Transfert ... A suivre de près; pour avoir rencontré ou connu plusieurs des responsables militaires sur le terrain , Français ou Sénégalais, et P.Péan, je ne peux que suivre et approuver les propos du général Lafourcade. Mais ce n'est surement pas sur le ministre des affaires étrangères qu'il faut compter pour vouloir qu'une telle vérité soit établie - il n'est pas pour rien un ami de longue date de Kagamé. Quant au chef des armées...
C.Gaucherand
Exclusif : Le général Lafourcade interpelle Sarkozy sur le Rwanda
Mercredi 16 décembre, Nicolas Sarkozy va pour la première fois recevoir le président du Rwanda, Paul Kagame. Le général Lafourcade, commandant de l'Opération Turquoise au Rwanda en 1994, interpelle, dans cette lettre ouverte, le président Nicolas Sarkozy pour que soit établie la vérité sur le rôle des troupes françaises sous mandat onusien. Sur le site de l'Elysée, l'agenda de la présidence mentionne une rencontre avec les chefs d'Etat de la Commission des Forêts d'Afrique Centrale. Ce que l'information ne dit pas, c'est que Paul Kagame, président du Rwanda depuis 2000, fera partie des invités. La rencontre est délicate parce qu'elle clôt une période de rupture longue de trois ans, due aux accusations réciproques des deux pays. Le juge Jean-Louis Bruguière avait en effet signé en novembre 2006 des mandats d'amener contre 9 proches de Kagame, quand le gouvernement rwandais se préparait à publier un rapport accusant des responsables politiques et l'armée française de complicité dans le génocide contre les Tutsis.
Le général Lafourcade commandait l'Opération Turquoise mandatée par l'ONU, et présente au Rwanda de juin à août 1994. Il en appelle à Nicolas Sarkozy pour que les enquêtes judiciaires aboutissent enfin, et pour que les médias cessent de relayer des charges sans que les accusations n'aient été validées.
La France et le Rwanda viennent de rétablir leurs relations diplomatiques alors qu’un sérieux contentieux judiciaire et politique les opposait. Il n’appartient naturellement pas aux militaires français ayant servi au Rwanda de juger du bien-fondé de ce processus diplomatique.
Mais la question que l’on peut légitimement se poser est : à quel prix ce rétablissement s’opère-t-il pour les soldats français ?
En effet, si les déclarations officielles accompagnant cette décision importante vantent les mérites du régime actuel de Kigali, elles font le silence sur les graves mises en cause de l’action des militaires français ayant servi au Rwanda, notamment de ceux qui ont participé à l’Opération Turquoise menée en 1994 pour le compte des Nations Unies. Ces mises en cause sont récurrentes : plaintes déposées en 2005 devant le Tribunal aux Armées de Paris par des Rwandais pour «
complicité de génocide » ; déclarations du Président rwandais affirmant que les militaires de Turquoise étaient «
venus pour tuer les Tutsis » ; accusations portées par le gouvernement de Kigali en août 2008 contre des officiers français «
d’avoir pleinement pris en charge le projet génocidaire ». Dix officiers ont porté plainte à la suite de ces dernières accusations.
Alors même que de nombreux militaires ont été longuement entendus par la Brigade criminelle en qualité de témoins, aucune suite procédurale n’a été donnée aux plaintes de 2005 qui semblent être toujours en cours d’instruction. Plus de quatre ans après, les militaires concernés s’interrogent sur les délais de cette procédure dont ils demandent l’aboutissement. Mais la presse, française et internationale, rappelle régulièrement l’existence de ces plaintes, relayant ainsi publiquement ces prétendues charges de «
complicité de génocide » qui pèsent toujours contre l’armée française. Or chacun sait qu’il est plus facile de salir une personne et une institution par des accusations infondées que de rétablir la vérité plusieurs années après.
Le silence officiel concernant l’ensemble des accusations portées contre l’Armée Française depuis plusieurs années peut laisser penser que celles-ci sont fondées. Validées implicitement, elles resteraient ainsi dans l’Histoire. Si ces accusations sont infondées, elles doivent être dénoncées.
Il est normal d’exiger beaucoup des militaires, mais ils ne peuvent être les victimes désignées et muettes de jeux diplomatiques, voire d’une Realpolitik. Il revient alors aux hommes politiques de prendre leurs responsabilités, y compris pour assumer le passé.
A l’heure où la France dépêche ses soldats pour servir sur des théâtres d’opérations étrangers, les militaires français qui l’ont servie et sont injustement mis en cause attendent des plus hautes Autorités de l’Etat qu’elles se prononcent sur ce grave sujet.
La raison d’Etat ne saurait justifier que l’honneur de ces militaires reste
bafoué et la vérité historique travestie.
Jean-Claude Lafourcade était commandant de l’opération Turquoise en 1994.