- Ne bougez pas -Je viens d'arriver avec une compagnie -les autres suivent - Si vous le pouvez, allumez un fumigène, sinon le Piper va essayer de vous situer par rapport à nous.
Le Barlut Canon est au-dessus de vous, mais ne l'utilisez qu'en cas d'absolue nécessité
vous êtes trop près des Fells -Dans une demi-heure tout mon monde sera posé et on arrive
aussitôt.
- Bien reçu,
Robin vient d'être blessé.
-Je prévois dès maintenant une D.Z. d’Evasan.
-Pas pour moi en tout cas. Je reste avec mes hommes.
Montfort a trois officiers sur quatre hors de combat, le quatrième surgit au P.C. d'
Avaresco.
C'est
l'E.V. Reneuve. Embarqué au Commando depuis quinze jours, c'est son baptême du feu.
-Où est votre section ?
- Je ne sais pas...
Il n'a plus ni carabine, ni pistolet... Il a l'air de sortir d'un cauchemar. Quelques-uns de ses
hommes arrivent, certains blessés mais tous violemment choqués par le déluge de mitraille qui s'est abattu sur eux, à froid.
On les dirige à cent mètres sur l'arrière du P.C. dans un espace un peu dégagé où en attendant les hélicoptères,
le docteur Ginisty, médecin major du 1er Bataillon soigne, panse et parfois aussi ampute...
!... Soudain des rafales d'armes automatiques s'abattent sur le P.C.
d'
Avaresco, les balles déchiquètent les arbustes qui entourent l'antenne du C9. On ne voit
rien. Brusquement des cris : « Attention les Fells... Ils sont derrière moi... ! ».
Un Commando émerge des broussailles, il arrive à bout de souffle devant le Pacha.
C’est le second maître
Broustal surnommé « Le Chien ». Il n'a plus qu'un morceau de fusil. La crosse est brisée... maigre renfort pour le P.C. Il n'y a là en effet qu'une dizaine d'individus armés de deux carabines et de quelques pistolets.
Tout en déplorant énergiquement que le P.C. n'ait pas les moyens de s'offrir une AA 52 le Pacha décide de tenter le coup de bluff et se met à hurler :
« 11ème compagnie à gauche, les Commandos à droite... pour l'assaut... à mon commandement... !! ».
Encore choqué, mais toujours discipliné le second maître
Broustal se relève lentement
avec son demi fusil, regarde le Pacha, en levant son pouce pour lui rappeler qu'il représente
à lui tout seul « les Commandos »
-d'un geste impératif, celui-ci lui ordonne de rester tranquille.
Chacun, pistolet ou carabine au poing, fixe les broussailles s'apprêtant à faire bonne contenance mais... cela semble marcher... Quelques rafales passent encore au-dessus des
têtes... ça y est... Ils s'éloignent... « Dissuadés »...
Le radio : «
Auffret (Officier des équipages commandant la C.C.A.S.)
est posé, commandant ».
Bien... qu'il se place à droite du P.C. et la Harka à la droite d'Auffret.
Et puis de nouveau de courtes rafales encadrent l'antenne du C9... Le Pacha râle :
Quelle époque ! On ne respecte plus rien... même pas les P.C. de Bataillon !!
Comment voulez-vous travailler dans ces conditions ?
L.E.V. Rosemont (officier de renseignement du
1/DBFM) ... prenez deux hommes, vous avez dix minutes pour me faire taire cet emmerdeur... ».
Au bout d'un quart d'heure : deux explosions de grenades.
Rosemont revient :
- Mission exécutée... C'était un tireur isolé.
Pendant ce temps, toutes les compagnies ont pris leur place, péniblement, les liaisons à vue dans ce maquis serré sont en effet détestables. Soudain, on aperçoit un hélicoptère qui descend en plein milieu de la zone de combat, il semble vouloir se poser... il est fou !... mais à dix mètres du sol dans un rugissement de moteur il remonte... Les Fells ont presque réussi leur coup. Ils avaient contacté l'hélicoptère par radio pour une Evasan urgente, s'exprimant parfaitement en français...
le S.M. Soula, chef de bord, s'est aperçu juste à temps qu'on lui tirait dessus.
On comptera onze impacts dans la cellule qui, par miracle, n'a pas explosé.
La zone où sont imbrigués une trentaine (le Commandos et les Fellaghas se trouve maintenant à peu près définie... Les trois compagnies de combat, la C.C.A.S. et la Harka du 1er Bataillon progressent lentement, difficilement pour tenter d'envelopper l'ensemble.
De l'autre côte le Commando de chasse du 2ème R.C.A. Violet barre le sud de la zone. Il sera tout au long de cette journée, au prix de lourdes pertes et d'un remarquable courage d'un précieux concours.
Beaucoup plus loin, le colonel
Martin Siegfried met en place un bouclage de toute la
région avec plusieurs bataillons de la Division et du Corps d'Armée d'Oran.
Mais au Djebel Mazer tout le monde est engagé, les corps à corps se succèdent
entraînant hélas des « bavures ». Le Barlut Canon tire sur un groupe confus :
2 marins sont gravement touchés.
Un peu plus tard, le Morane d'observation est atteint par une rafale de mitrailleuses des Fells : le pilote est tué. L'observateur réussira à ramener l'avion à Tlemcen.
Après cinq heures de combat, on n'aura pas progressé de plus de 200 mètres !
Le colonel appelle
Avaresco.
Je suis parfaitement conscient de vos difficultés, c'est pourquoi je vous laisse mener votre affaire sans intervenir mais vous savez que je dispose de tous les moyens d'appui que vous pouvez désirer : artillerie -chars - renforts d'infanterie, appui aérien : deux B 26 sont en route.
Avaresco :Merci mon colonel, mais vous comprenez sûrement que dans ce terrain, avec une
trentaine de commandos bloqués au milieu des Fells, tous mes hommes au contact rapproché, il m'est impossible d'utiliser autre chose que les armes individuelles :
pas de mortiers, même pas de fusils lance-grenades... Les chars peut-être... mais
pourront-ils monter jusqu'ici et quand arriveront-ils ?... Quant aux renforts d'infanterie, nous sommes déjà beaucoup trop nombreux, les Fells et nous, et mes hommes ont bien du mal à éviter de se tirer dessus !
Il est 17 heures : les B26
avec leurs bidons tournent à bonne altitude autour du
Djebel Mazer, pour le moral, car personne ni les Fells, ni leurs adversaires ne croient un instant qu'on pourra trouver un morceau de terrain assez vaste pour les utiliser.
Et les compagnies, les unes après les autres, rendent compte qu'elles ne peuvent plus progresser, les hommes sont fatigués, les pertes lourdes, le moral mauvais.
Avaresco appelle tout le monde sur le réseau bataillon :
- 1) Nous avons à faire à des gens déterminés, courageux, qui se savent encerclés, perdus. Ils ne se sont pas rendus depuis ce matin... ils ne le feront plus et se battront jusqu'au bout...
- 2) S'il s'agissait seulement de les réduire, je ne prendrais plus le risque d'avoir un seul blessé. J'attendrais... mais vous savez comme moi qu'au milieu d'eux, il va une trentaine de vos camarades
de Montfort, dont plusieurs sont blessés, les Fells savent où ils sont et si nous ne les avons pas dégagés quand la nuit tombera, c'est fini pour eux.
- 3) Il faut donc aller les chercher avant, à tout prix.
La réponse est la même pour tous.
- Bien reçu... paré à continuer...
C'est sur la droite que la situation va se débloquer, du côté de la C.C.A.S. et de la Harka.
Les 26 Harkis commandés par le premier maître
Basset avancent...
Le Q.M.
Meynien tombe blessé à la jambe on l'évacué... et puis soudain un Fellagha se dresse les mains sur la tète...
C'est le premier qui se rend...
Le maître Desmaris lui crie en arabe d'approcher.;. Mais les Harkis qui n'ont pas compris tirent de toutes leurs armes... « Bébert »
Basset hurle : « Cessez le feu » et cogne avec sa crosse de carabine sur ceux qui continuent... et l'homme arrive... sans une égratignure... Questionné, il dit qu'il appartient à un groupe important... Ils sont là à 50-80 mètres, pour une fois le terrain est assez dégagé.
Desmaris empoigne un fusil lance-grenades et tire trois fois à la file. Il entraîne aussitôt un groupe de Harkis et trouve cinq hommes morts, ils avaient avec eux quatre Sturmgewehr, cinq fusils Mauser, cinq pistolets Luger P 08 et des centaines de cartouches.
Mais les Fells accourent et mitraillent les hommes de
Desmaris... Celui-ci rampe le long des
broussailles. Débordant d'un rocher, il est rasé par une rafale qui le couvre d'éclats de pierre et il aperçoit au même instant un Fell qui s'écroule presque sur lui. Slimane, un Harki :
« Patron, patron tu n'as rien ? Je l'ai descendu au moment où il épaulait vers toi... ».
La Harka lancée continue et puis... enfin !
« Ne tirez pas... nous sommes de Montfort... ! ».
Méfiant, Desmaris « Sortez doucement... approche;... ».
Deux Commandos avancent l'un soutenant l'autre, blessé. La nuit va tomber... C'est le commencement de la fin. En face Violet progresse par bonds très rapides de petits groupes, ils ont été à la bonne école du colonel
Leroy. (Ex-chef des milices catholiques de Ben-Tre). D’un des leurs, blessé, isolé des autres, appelle au secours. Impossible d'aller le chercher.
Les Fells font un barrage de feu autour de lui.
Desmaris et deux Harkis, dont Djemel dit « le Parisien », bondissent tout en tirant au P.M. (Desmaris avait emprunté un « Sturm »).
Ils atteignent le blessé, le ramènent, touché au ventre et à la jambe. Il sera évacué une heure plus tard avec d'autres par un HSS qui se posera dans un « mouchoir de poche » balisé avec des feux d'alfa.
Du côté gauche, les 11ème, 12ème et 13ème compagnies avancent eux aussi, courageusement,
trois de leurs officiers mariniers, les meilleurs, tomberont.Mais ils retrouvent les hommes de Montfort les uns après les autres.... le LV
Le Deuff et le petit groupe qui l'entourait. Il a passé neuf heures à plat ventre avec les éclats de son poignard dans la fesse. Sa radio a marché jusqu'au bout lui permettant de rester en contact avec
Avaresco.Pas une seule fois, un mot d'impatience n'est passé sur les ondes !.
Au PC du 1er Bataillon.
Le radio : « Commandant, Monsieur
Auffret dit que le Général s'est rendu... »
- Quoi !... ils avaient un général ?
- Monsieur Auffret dit qu'il vient d'entendre sur la fréquence Division que le général Challe s'est rendu.
- Tiens, c'est vrai, je n'y pensais plus.
On amène au PC le prisonnier de la Harka.
Le Commandant lui donne une cigarette :
- D'où viens-tu ?
- Du Maroc bien sûr... mais il y a six mois j'étais garçon de café rue Pierre Charron... Tu vois ?... côté Champs Elysées.
L'ordre est donné de rester sur place pour la nuit.
Il fait un froid glacial. Un HSS de l'ALAT réussit acrobatiquement, sans balisage, à poser une douzaine de jerricans d'eau, qu'on partage avec soin. Le lendemain la fouille du terrain reprend, La 12ème compagnie (LV Le Mintier) accroche encore, deux tués chez les Fells, deux blessés chez lui, et l'on retrouve les morts... deux marins avaient encore les armes, a !a main... en position de tir.
Au cours de ces deux journées du 25 et du 26 avril, les Fellaghas ont laissé sur le terrain :-56 tués et 10 prisonniers presque tous blessés,Et 7 millions de francs en billets neufs de la banque de France.
Les pertes sont importantes : 1/ DBFM 6, du commando de Montfort 5 et du Commando de chasse du 2ème RCA 7, se sont élevées à 18 tués et 42 blessés.Cérémonie officielle de l'enterrement des morts du 25 avril à l'hôpital de Tlemcen, le 1er mai 1961. Cette cérémonie marqua la fin d'une époque :
En présence de l'amiral Cabanier,
qui était surtout venu pour « normaliser » la situation de la DBFM. Après une conférence à Beraoun, PC du 2e bataillon de la DBFM, le capitaine de vaisseau Roure se voit relevé de son commandement. Il partira le lendemain à l'aube, dans sa 403. Après, ce ne sera plus jamais comme avant...
la guerre s'achève sans victoire en laissant une blessure dans le cœur de tous les combattants revenus en France . Tant de sacrifices pour rien !
Hommage à l’ensemble des compagnies du 1/DBFM se composant de 80 % d’appelés. Qui ont participé à cette opération en particulier la 13 ème Cie qui fut la mienne, se sont comporter comme des professionnels avec détermination .
L’accrochage durera plus de 18 heures dans le maquis du djebel Mazer face à une katiba surarmé, des fells déterminés, courageux il se battront jusqu’au bout le 3/4 seront tués.
13ème Cie poste Bou-Hallou 1961
Au Maroc , les djounoud de l'ALN, en attente de franchir le barrage.