Un renvoi de notre camarade Marjadou
A voir : Le général Olivier Paulus et son adjoint exclus du Service historique
Le général Olivier Paulus et son adjoint exclus du Service historique de la défense
Le Point.fr - Publié le 26/06/2013 à 16:36
Après des mois de pourrissement au SHD, le conflit entre le général Paulus et le conservateur général du patrimoine François Gasnault débouche sur leur limogeage. Explications.
Portrait officiel du général Olivier Paulus. © SHD
Par
Jean Guisnel Un général de brigade limogé et privé de sa troisième étoile. Deux hauts fonctionnaires du ministère de la Culture priés d'aller voir ailleurs. Au Service historique de la défense (SHD), la crise profonde qui couvait depuis plusieurs mois débouche sur une purge sans précédent. Dans ce service récemment créé au château de Vincennes pour regrouper les services d'archives et d'analyse historique des trois armées et de la gendarmerie, rien ne va plus ! Dans une ambiance profondément dégradée, le SHD associe des personnels militaires affectés par les armées et des fonctionnaires civils du ministère de la Culture, conservateurs du patrimoine et archivistes paléographes. L'affaire oppose deux conceptions des archives, aggravées par des querelles d'hommes et un conflit d'autorité. Essayons d'y voir plus clair.
Lorsque le général Olivier Paulus est nommé à la tête du Service historique de la défense, en août 2011, il arrive en principe pour trois ans. Cet officier des troupes de marine est une "pointure", dont attestent les états de services. La biographie officielle de ce saint-cyrien de la promotion Général Rollet possède toutes les qualités requises pour diriger ce service où atterrit la quasi-totalité des archives militaires, des plus banales aux plus explosives. Pas de souci ! Paulus est un spécialiste des affaires sensibles : il a été dans de précédentes fonctions chef du bureau renseignement du CPCO (Centre de planification et de conduite des opérations) de l'état-major des armées, puis coordinateur de direction (chef d'état-major) à la direction du renseignement militaire. Personne ne lui fait grief d'une petite faiblesse : son goût jugé excessif des décorations et des médailles, qu'il porte pourtant fort bien, comme le montre sa photo officielle.
La dissuasion exclue des archives
Lorsque le général prend ses fonctions, il fixe son attention sur ce qu'on appelle les "témoignages oraux". Ces derniers sont des entretiens enregistrés puis retranscrits, réalisés par des historiens du service. Ils permettent de recueillir les témoignages de personnalités de toute première importance, appartenant aux armées mais aussi aux services de renseignements et à la filière nucléaire, en première ligne dans cette affaire. La règle est la suivante : les entretiens, y compris ceux que leur sensibilité ne permet de communiquer au public ou aux chercheurs, sont archivés et répertoriés dans un inventaire public, disponible sur le site web du SHD. Le général, explique-t-on dans son entourage, estime que quelques-uns de ces témoignages, se comptant "sur les doigts d'une main", ne sont pas classifiés, alors que, selon lui, ils compromettent le secret de la défense nationale.
Paulus se tourne alors vers le SGDSN (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale), puis vers la FOST (Force océanique stratégique), qui acceptent la nouvelle classification de deux témoignages et leur retrait de l'inventaire. Une procédure similaire sera lancée auprès de la DPSD (Direction de protection et de la sécurité de la défense), afin qu'elle reprenne et "protège" elle-même ses archives versées au SHD et qui ne s'y trouveraient pas en sécurité. Un projet de remise à plat de la politique d'archivage et de communication est lancé (projet Jupiter), avant de s'engluer et de se bloquer. L'un des auteurs des témoignages retirés du SHD, un officier général à cinq étoiles qui a confirmé ces faits au
Point, s'indigne auprès du cabinet du ministre du traitement qui lui est réservé et refuse tout changement de statut de son texte. Pataquès.
Sur fond de querelles internes, la proposition d'Oliver Paulus va faire exploser le Service historique de la défense. Le
de facto numéro deux du service, le - civil - conservateur général du patrimoine François Gasnault, mais aussi tout le personnel spécialisé détaché du ministère de la Culture s'indignent.
Levées de bouclierUn très bon connaisseur du dossier explique : "En fait, Paulus a bloqué tous les témoignages oraux dans lesquels le mot
dissuasion apparaît. Il se déclare incompétent pour les protéger et demande aux services qui avaient produit ces documents de s'en charger ! Ce n'est pas leur travail, ils n'ont aucune capacité pour les gérer et les communiquer aux chercheurs. C'est une catastrophe !" Ces événements vont provoquer un affrontement violent avec les personnels de la Culture. Lesquels sont soupçonnés par les militaires de préparer un "hold-up" sur les archives militaires et sur celles du Quai d'Orsay, les seules à être gérées en interne par les services ministériels. Le conflit s'est cristallisé sur les deux fortes et incompatibles personnalités d'Olivier Paulus et de François Gasnault, naguère directeur des Archives de Paris, où il ne s'était pas fait que des amis dans sa gestion des archives Papon.
Pour autant, les archivistes de la Défense partagent l'avis du ministère de la Culture : les archives sont faites pour être communiquées. Il faut revenir à des procédures plus souples, moins contraignantes. Mais ce point de vue professionnel s'est heurté à d'autres contingences, personnelles celles-là. Du côté militaire, on parle d'insubordination, de désobéissance, du refus de Gasnault d'exécuter les ordres de Paulus. On évoque des cas de harcèlement, "un refus d'apprendre ce qu'est la culture historique des militaires". Du côté des archivistes et des historiens, on craque. On pleure en réunion, on envoie les syndicalistes en délégation chez Jean-Yves Le Drian... Et du côté de la Défense, on ne fait pas trop le malin. Pourquoi ?
Sous le tapisParce qu'en fait cette affaire a été négligée, étouffée, glissée sous le tapis durant des mois par la tutelle, exercée par le secrétaire général pour l'administration, le contrôleur général des armées (CGA) Jean-Paul Bodin, et par son subordonné directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) Éric Lucas, également contrôleur général des armées. Lesquels se trouvent avoir tous deux des liens très étroits avec le SHD. Pour autant, cette fois, la hache ministérielle est tombée. C'est Éric Lucas qui a annoncé la semaine dernière le départ/sanction du général Paulus. Lequel quitte le SHD un an avant le terme de son mandat et ne recevra pas, selon nos informations, la troisième étoile de général de division qui lui était promise.
Ce limogeage sera concomitant avec celui de François Gasnault, remis à la disposition du ministère de la Culture, qui lui chercherait actuellement avec difficulté une affectation. Une troisième protagoniste, Karine Leboucq, conservatrice du patrimoine accusée d'avoir joué les boutefeux, est elle aussi remerciée. Le cabinet du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, n'a pas souhaité s'exprimer sur ce dossier. Une source très proche du SHD confie que "Paulus a fragilisé le service, alors que la Défense a des besoins indiscutables et une compétence propre. Il fallait traiter ces affaires de manière exactement inverse à ce qui s'est passé".
source "Le Point"