L'insigne des parachutistes du SAS
Dans cette nuit du 5 au 6 juin 1944, des centaines et des centaines d’embarcations font route vers les plages de Normandie. Les 177 hommes du commandant Kieffer sont les seuls Français. Ils auront l’honneur de débarquer à l’aube de ce 6 juin qui restera dans l’histoire « le jour le plus long ».
Mais cette nuit du 5 au 6 juin 1944, les premiers soldats alliés à toucher la terre de France sont les parachutistes SAS Français, les hommes du commandant Bourgoin, le célèbre manchot. Et cette nuit deviendra pour l’histoire « une nuit avant l’aube ».
Alors que la plus puissante armée jamais rassemblée entame sa route vers la Libération de la forteresse Europe, presque incognito, quatre sticks du 4ème SAS, soit 36 hommes, répartis en deux avions Stirling, sautent en Bretagne, une heure avant que les parachutistes américains et britanniques ne se posent en Normandie. Ils doivent organiser deux bases permettant d’accueillir le reste du bataillon, Dingson près de Saint-Marcel dans le Morbihan et Samwest près de Duault dans les Côtes du Nord (maintenant les Côtes d’Armor 22).
La mission donnée, dans le cadre de l’Opération Overlord au 4ème SAS est contenue dans l’ordre d’opérations N° 9 de la brigade SAS, dont nous retiendrons le tertio, qui à lui seul le résume : « Vous couperez autant que possible, les communications entre la Bretagne et le reste de la France. Les troupes allemandes sont de l’ordre de 100 000 hommes ».
C’est le stick du lieutenant Marienne qui a l’honneur d’être parachuté en premier dans le Morbihan, près de Plumelec. Mais par une simple erreur de largage d’à peine deux kilomètres il a été repéré par un observatoire allemand et un combat très inégal s’engage. Le caporal Bouétard est blessé et achevé d’une balle en plein front. Il est 0H25 ce 6 juin 1944 et indéniablement c’est le premier tué du débarquement : le premier parachutiste américain de la 110ème Airborne devait tomber une heure trente plus tard en Normandie.
Emile Bouétard, parachutiste du Spécial Air Service, ne connaîtra pas la Libération de sa Bretagne natale qu’il avait quitté à treize ans en 1928 pour s’engager dans la marine marchande. Il restera comme la majorité de ses camarades un inconnu des historiens, un nom dans un petit paragraphe du grand livre du débarquement de Normandie. Inconnu comme l’ont été ses anciens de Crète, de Lybie, de Tunisie puis ses successeurs des Ardennes, de Hollande et puis encore tous ceux qui suivirent sous la devise « Qui Ose Gagne ». Sous tous les cieux ils portèrent et portent toujours cette devise. Ils servirent et servent avec « humour et humilité ». Mais leur plus grande gloire est d’être les premiers, toujours les premiers. Et cela l’Histoire ne peut l’oublier.
Le créateurPremier comme le fut le capitaine Georges Bergé, qui débarque en Angleterre le 23 juin 1940, raidit dans sa certitude que le combat n’est pas terminé, qu’il commence à peine et que les parachutistes seront en tête de la Libération de la France. En Gascon têtu il a obtenu du général de Gaulle l’autorisation de créer la 1ère compagnie d’Infanterie de l’Air des Forces Françaises Libres. Celle-ci voit le jour le 15 septembre 1940. Ils sont moins de trente autour de lui. Rien ne viendra entamer sa détermination. Dans la nuit du 14 au 15 mars 1941, avec quatre de ses hommes, il mène en France occupée, la première opération aéroportée, la mission Savanah en Bretagne. Il sera pour cela le premier officier français décoré par la reine. Du 11 au 12 mai, c’est l’opération Joséphine B dans la région de Pessac en Gironde. Ce sont les premières opérations spéciales de la deuxième guerre mondiale.
Le capitaine Bergé a maintenant réuni une centaine d’hommes. En juillet 41, la compagnie est scindée en deux, une moitié rejoignant la Station 36 qui formera des agents clandestins destinés à être parachutés en France afin de créer et d’animer les premiers réseaux de résistance. Le reste, sous les ordres de son chef, embarquele 21 juillet pour l’Egypte. Ils sont une cinquantaine et forment alors la 1ère Compagnie de Chasseurs Parachutistes.
C’est sur les bords du canal de Suez à Kabrit, que le capitaine Bergé rencontre le capitaine David Stirling, un Ecossais anticonformiste qui vient de créer les SAS britanniques. Le nom est pompeux, ils ne sont que quatre vingt. Mais ils sont les plus atypiques soldats de sa majesté et très certainement les plus polyvalents. Le concept des SAS est d’une logique implacable. Il s’agit, avec des hommes, spécialement sélectionnés, instruits à toute forme de combats, entraînés au maniement de toutes les armes, de tous les systèmes de transmission, de tous les explosifs, à la conduite de tous les véhicules, capable d’être infirmier, mécanicien, tireur, navigateur, de mener des actions violentes derrière les lignes ennemies. Le nombre importe peu, seule la qualité compte. Soixante dix ans plus tard le concept est intact.
Entre Bergé et Stirling le courant passe. Les Free French sont acceptés. La brigade passe à 130 hommes. Elle prend pour devise « Who Dares Wins » (Qui Ose Gagne).
Dans la nuit du 14 au 15 juin 1942, le désormais commandant Bergé, avec une équipe de cinq hommes, détruit plus de vingt avions sur l’aéroport d’Héraklion en Crète, sauvant ainsi l’île de Malte. Winston Churchill, le premier ministre britannique, accorde la plus grande importance à cette action. Qui s’en souvient ? Ce n’est pas Pierre Léostic, dix sept ans, qui tombe au combat.
En juin et juillet 1942, le French Squadron après des infiltrations derrière les lignes ennemies, se rue sur une dizaine d’aérodromes. Les attaques combinées se poursuivent jusqu’en septembre 1942 avec les attaques de Tobrouk et de Benghazi. En septembre les SAS forcent la trouée de Gabès en Tunisie et effectuent trente quatre destructions sur la voie ferrée Sfax-Gabès. Qui se souvient que leur action a épargné aux forces alliées débarquées en Algérie de nombreuses pertes ? Ce n’est pas l’aspirant André Zirnheld, mortellement blessé le 27 juillet 1942. Qui se souvient que dans ses papiers personnels on retrouva ce texte magnifique aujourd’hui chanté par tous les parachutistes français et devenu la prière du para ?
Les combats de la LibertéLe commandant Bergé capturé en Crète, le major Stirling capturé en Tunisie, les rescapés du désert se retrouvent en Angleterre. En novembre 1943, est crée la nouvelle brigade SAS. Elle comprend le 1er et 2ème bataillon SAS britanniques, le 3ème et 4ème Bataillon d’Infanterie de l’Air français commandés respectivement par le commandant Bourgoin, qui a perdu un bras en Tunisie et le commandant Château-Jobert qui deviendra célèbre sous le nom de Conan, ainsi qu’une compagnie de parachutistes belges. Aux cotés des anciens, les évadés de France, les pieds-noirs d’Algérie, les Canaques de Nouvelle Calédonie formeront ces bataillons du ciel. Le 11 mai 1944, le Lord maire d’Edimbourg remet au 4ème BIA le drapeau commun des SAS que plus tard la brigade de parachutistes coloniaux héritera et transmettra ensuite au 1er RPIMa.
Puis viendront les terribles combats de Bretagne, de Vendée, de Maine et Loire, du Centre, de la Bourgogne de la vallée du Rhône. Des dizaines de villages libérés, des milliers d’Allemands désorientés, incapables de replier en ordre sur l’Allemagne car harcelés sans cesse par d’invisibles combattants, pleins d’audace et fougue. Qui s’en souvient ? Ce n’est pas le capitaine Combaud de Roquebrune qui, le 4 septembre 1944 à Sennecey le Grand, attaque avec quatre jeeps un convoi et tue trois cent allemands, avant d’être submergé et de mourir avec ses hommes. La princesse Anne d’Angleterre, le 4 septembre 2004 vint leur rendre hommage, devant ce mémorial dédié à tous les SAS et en présence de leur drapeau porté par les hommes du 1er RPIMa. Presque le jour même ou ce régiment perdait son premier parachutiste en Afghanistan.
Ce sont encore les SAS qui s’infiltrent dans Paris en pointe de la 2ème DB et qui les premiers déposent des fleurs sous l’arche immense au pied du soldat inconnu. Ce sont encore eux qui se battent dans les Ardennes Belges en décembre 1944 et janvier 1945, avec les parachutistes américains, pour repousser la dernière offensive d’Hitler.
Enfin, ce sont les deux bataillons, devenus 2ème et 3ème régiment de chasseurs parachutistes, qui sont parachutés en Hollande, dans la nuit du 7 avril 1945 dans ce qui fut la dernière opération aéroportée de la seconde guerre mondiale.
Ce sont les premiers et les seuls à recevoir le droit de porter le célèbre béret amarante des parachutistes britanniques, devenus aujourd’hui celui des parachutistes de l’armée française. C’est sur leur drapeau, le plus décoré de cette guerre, que le général de Gaulle épingle la croix de la Libération le 11 novembre 1944. Ce sera la seule attribuée à une unité parachutiste.
Les bérets rougesLe 8 mai 1945, c’est l’ivresse de la victoire. La France démobilise les « engagés pour la durée de la guerre ». Le 3ème RCP est dissous et le lieutenant-colonel de Bollardière, qui a succédé à Bourgoin pour l’opération en Hollande, prend le commandement du 2ème RCP à Tarbes. Le drapeau des SAS, fort de six citations à l’ordre de l’armée, reçoit la fourragère aux couleurs de la Légion d’Honneur. Très vite il est dissous à son tour pour laisser place à deux bataillons SAS, formés de 70% d’anciens du 2ème et 3ème RCP. Ils forment la brigade de parachutistes SAS qui prend l’emblème du 2ème RCP et qui embarque pour l’Indochine. Les bérets rouges se battront sans relâche de 1946 à 1947 et gagneront sur leur drapeau la croix de guerre des théâtres extérieurs avec deux citations à l’ordre de l’armée. Leurs chefs, de Bollardière et Conan sauront inculquer aux plus jeunes, qui n’ont pas encore fait campagne, les valeurs des SAS.
La brigade SAS donnera naissance à la 1ère demi-brigade coloniale de commandos parachutistes qui combattra sans interruption contre le vietminh jusqu’en 1954. Ses bataillons, sur le fanion desquels les lettres SAS sont inscrites en lettres d’or, se couvriront de gloire. Fiers de leur béret rouge, de la dague héritée de leurs anciens, de cette chimère qu’ils portent sur l’épaule comme un signe de ralliement, ils se montreront dignes de leurs anciens. Une trentaine de palmes viennent récompenser leur bravoure. Dans leurs rangs, les SAS historiques se battent et meurent. Mort le « mousse » Prigent, sergent-chef au 6ème bataillon de parachutistes coloniaux à Dien Bien Phu. Il avait survécu au peloton d’exécution en Bretagne. Mort le capitaine Legrand, le porte-drapeau des SAS, héros de Lybie, de Bretagne et de Hollande. Morts les Vietnamiens du 5ème BPVN du commandant Botella, l’un des quatre premiers officiers parachutés en Bretagne en juin 1944. Ils sont montés à l’assaut à Dien Bien Phu en chantant la Marseillaise.
La fin de l’Indochine française voit la désormais brigade de parachutistes coloniaux quitter les landes de Bretagne que ses anciens ont libéré voici dix années. Ce sont les vertes montagnes du pays basque qui les accueillent. Ils se souviennent qu’à l’ombre du fronton de Sarre dort de son dernier sommeil l’adjudant Victor Ithurria, compagnon de la Libération, l’enfant de Bassussary, le pelotari, qui mettait une grenade dans un béret à soixante mètres devant un Winston Churchill ébahi. Ils rêvent de lui ressembler. L’Algérie devient alors leur nouvelle bataille. Ils deviennent les hommes léopards, « souple comme le cuir, dur comme l’acier ». Dans cette guerre sans nom, de 1954 à 1962, ils se battent et meurent. Mort le capitaine Graziani, qui a dix huit ans est parachuté en France avec le 3ème RCP. Il sabote les ponts et 84 lignes et cabines d’aiguillage. Il ramène ses huit compagnons blessés. Quatre ans de captivité chez les Viets n’avaient pu le faire plier.
Le 1er reste le premier
Le 1er novembre 1960, le 1er RPIMa est créé. Son chef est le lieutenant-colonel Moulié, parachuté comme lieutenant en Hollande, ayant commandé un bataillon en Indochine et dirigé selon les méthodes SAS plusieurs écoles de guérillas. Le fil n’est pas rompu, l’esprit demeure, les lettres SAS brillent encore sur la soie du drapeau. Le moule existe. Il faudra simplement le remodeler et l’adapter. La France les oublie. Les grandes manifestations patriotiques parlent de la 1ère armée, de la 2ème DB. Koufra, Bir Hakeim, Strasbourg sont des noms connus que l’on veut retenir. Sur les plages de Normandie on célèbre les vétérans du commandant Kieffer.
L’affrontement est ouest semble inévitable et gloire est faite aux blindés, aux canons, aux missiles. Que faire de cette infanterie, même pas mécanisée, qui parle de guérilla, de camps de partisans, ou d’action derrière les lignes ? Le temps n’est plus aux raids audacieux, aux personnels polyvalents à l’esprit d’initiative poussé à l’extrême. La machine ne souffre pas le moindre grain de sable même s’il vient de Lybie. Eux seuls savent comme le disait Stirling que « le régiment c’est l’homme et l’homme c’est le régiment ». Il faut, comme le fit Bergé à son époque, se battre avec âpreté pour s‘imposer. Du groupement opérationnel créée en 1974 jusqu’à la guerre du Golfe en 1991, tout est fait pour préserver les valeurs héritées des SAS et des paras colo. Le sergent Schmitt et le caporal-chef Cordier tombent dans les sables du désert irakien et leurs noms apparaissent dans la presse. La France découvre qu’en tête de l’offensive alliée se trouvaient les paras du 1er RPIMa. Une neuvième palme est accrochée au drapeau et les ailes égyptiennes crées par David Stirling reviennent sur les tenues. Le concept d’opérations spéciales ressort des cartons. Le COS voit le jour.
Le 1er reste le premier. Il est en tête de toutes les opérations au Tchad, en Somalie, au Rwanda, au Zaïre, en Bosnie, au Kosovo, au Yémen, au Cambodge, en RCA… Il est de toutes les ouvertures de théâtres. En Afghanistan, aux cotés des forces spéciales américaines, il combat sans relâche perdant quatre des siens et plus encore de blessés. Il fait partie de la première force européenne en juin 2003 dans la région des grands lacs au Congo. Il évacue et sauve plus de mille ressortissants en Côte d’Ivoire en novembre 2004. Ses chuteurs sont parachutés de nuit en République Centrafricaine en 2007. Il intervient dans le cadre de l’Eurofor et en mars 2008 à la frontière soudanaise le sergent-chef Polin tombe sous les balles. Le président Sarkozy lui rendra un solennel hommage dans les murs de la Citadelle de Bayonne. La croix de la Légion d’Honneur qu’il déposera sur son cercueil, rappellera aux anciens la même croix accrochée sur l’emblème le 14 juillet 1955 par le président René Coty.
Et puis…Les parachutes claquent dans cette nuit du 5 au 6 juin 1944, comme ils claquent dix ans plus tard au-dessus de Dien Bien Phu et comme ils claquent encore au-dessus de Birao quarante ans plus tard.
Les patrouilles SAS s’infiltrent dans le désert libyen comme elles s’infiltrent aujourd’hui dans le désert tchadien.
Les sticks s’infiltrent derrière les lignes allemandes comme les groupes s’infiltrent dans les montagnes afghanes.
Le corps meurt et l’âme demeure. Ils sont toujours « les plus exposés, les plus audacieux, les plus solitaires ».
QUI OSE GAGNE est leur devise
Groupe du 2e RCP en avril 1945 dans les bois de Hollande entre Saone et Loire juillet- septembre 1944
Outre la Croix de la Libération, le drapeau du 2e RCP arbore
la Croix de Guerre 39-45 avec 6 palmes,
la Croix de Guerre belge,
la Croix de Guerre hollandaise
et la Bronze Star Medal (US).
Sur les 24 compagnons de la Libération parachutistes de la France libre, 15 sont issus des rangs du 2e Régiment de chasseurs parachutistes de l'armée de l'air. .:http://www.ordredelaliberation.fr/fr_doc/4_1_2_22.php
Diplôme de combattant des Forces françaises de l'Intérieur remis après la Libération. Collection privée.
Timbre commémorant les parachutistes SAS de la France libre ayant sauté dans la nuit du 6 juin 1944 (détail). Collection particulière.
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yohann