Le capitaine Rabah Kheliff, patriote et républicain, homme de paix, de fraternité s'est éteint, le 3 novembre 2003 à Lyon, à l'âge de 70 ans, des suites d'une longue maladie. (les journaux).
Après une cérémonie à la Mosquée de Lyon, le président de l'Association Lyonnaise Islamo Française, a été inhumé au nouveau cimetière de Cusset, au sein du carré musulman. Plus de cent cinquante personnes sont venues lui rendre un dernier hommage. Parmi les personnalités présentes : M. Gérard Collomb, maire de Lyon, le sénateur Gilbert Chabroux, maire de Villeurbanne, M. Dubourdieu, président de la mission interministérielle el aux rapatriés, M. Rivé, directeur de l'ONAC du Rhône, le président général Hugues Dalleau ainsi qu'une quarantaine de membres de l'UNC, le gouverneur militaire de Lyon (représenté), le colonel Aziz Meliani autre figure emblématique des Français d'Algérie, et le président du Cercle Algérianiste de Lyon. Le capitaine Rabah Khéliff était commandeur de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du mérite. (les journaux).
HOMMAGE A LA MEMOIRE D’UN PATRIOTE, LE CAPITAINE RABAH KHELLIFF
A partir de l’hommage de Boris Kan, Président du Cercle Algérianiste de Lyon.
Président Fondateur de l'Union Nationale des Anciens Combattants Français Musulmans (UNACFM), le Capitaine (E.R) Rabah Kheliff s'est éteint, le 3 novembre 2003, à la suite d'une longue maladie contre laquelle il luttait depuis des années, avec énergie. A Lyon on l’appelait le capitaine Rabah Kheliff. Né en Kabylie, ancien enfant de troupe, ce fils d’officier français s’engagea en 1951 (à 18 ans) pour combattre pour la France en Indochine. Blessé et fait prisonnier à Dien Bien Phu, il rentre en métropole en 1954 et, repart bientôt pour l'Algérie où il servira comme officier jusqu'en 1962.
Le 5 juillet 1962, à Oran, il fut un des rares officiers à oser enfreindre les ordres prescrits. Des ordres écrits (dictés par le gouvernement français de l’époque et relayés par le Général Katz, commandant la place d’Oran, et ainsi « co-responsable » de la tragédie qui endeuilla Oran, ce jour-là), enjoignaient aux soldats français de ne pas bouger de leurs cantonnements, quoiqu’il arrive. Ordres donnés à tous les officiers qui commandaient les 12000 soldats, gendarmes et CRS, répartis dans chaque quartier de la ville d’Oran.
N’écoutant que son sens du devoir, il fit face à l’ALN, avec sa compagnie de Chasseurs, arrachant à une mort certaine, des centaines de ses compatriotes européens et musulmans, sans verser une goutte de sang, juste avec sa fermeté et son courage. (lire plus bas, son récit de l’action qu’il mena, le 5juillet 1962, à Oran. Interview donnée à France-Culture).
L'issue du drame algérien constitue pour lui, comme pour beaucoup d'autres, un réel déchirement. Son comportement exceptionnellement courageux, notamment à Oran, en juillet 1962, nécessite son rapatriement sur l'hexagone dans des conditions particulièrement périlleuses.
Dès sa mise à la retraite de l’Armée, il s’était consacré à la défense des droits de ses camarades de combat Français-Musulmans, souvent désarmés devant une administration tatillonne et ingrate. Il n’hésitait pas à intervenir aux plus hauts niveaux, pour apaiser leurs souffrances.
Il était adhérent du Cercle algérianiste de Lyon au titre de président de l'UNACFM. Nous le savions gravement atteint, mais nous espérions tous le voir triompher une fois de plus de l'adversité, comme il l'avait si souvent fait sur les champs de bataille, et en particulier à Dien Bien Phu, dont il revint miraculeusement. Il a été présent jusqu'à son dernier souffle aux côtés de ses frères anciens combattants et harkis qu'il a défendus de toutes ses forces. Il avait tenu à organiser lui-même la journée nationale du 25 septembre 2003 à Lyon en hommage à leur tragique destin. Ce fut une réussite mémorable à laquelle, épuisé, il n'avait pu assister, mais sa présence était dans tous les esprits. Il avait réussi à obtenir du président de la République que cette journée soit célébrée tous les ans sur le territoire comme hommage national aux Harkis et autres membres des forces supplétives.
Profondément croyant, il avait été un des fondateurs de la grande mosquée de Lyon dont il assurait la présidence et l’indépendance, dans un cadre intégralement français. Nous garderons en mémoire son imposante silhouette, sa légendaire bonté, sa sagesse, son mépris du danger, son sens du devoir et son patriotisme. C'était un sage, dans toute l'acception du terme.
Le 6 novembre 2003, une foule innombrable d’amis de toutes confessions se pressait devant son cercueil, une foule triste et digne, à l’image de celui qu’elle pleurait. Ses camarades anciens combattants étaient là, groupés derrière des drapeaux tricolores. En présence des autorités locales et même nationales.
La prière des morts fut bouleversante ; elle ressemblait à toutes les prières des défunts. C’était l’entente et la concorde que Rabah Kheliff espérait et prônait à toutes occasions de son vivant. Et je me laissais aller à rêver : je nous voyais tous et toutes là-bas, à Alger, avant le 1er novembre 1954, toutes origines confondues, unis et conscients qu’il restait une grande oeuvre française à terminer, une communauté à faire entrer dans ce 21e siècle qui s’annonçait.
Rabah, nous ne t’oublierons jamais. A son épouse madame Fatma KheIiff, à ses enfants Jacques, Eric, Fatima et Samia, ses petits-enfants Baptiste, Nicolas, Margot, Laura, Hippolyte, Eléonore, nous présentons nos condoléances les plus fraternelles.
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Le 5 juillet 1962 à Oran, un des rares officiers français à enfreindre les ordres prescrits, il fit face à l'A.L.N. avec ses Chasseurs, arrachant des centaines de ses compatriotes à une mort certaine, s'exposant ainsi aux foudres du général Katz.
Voici, par le CAPITAINE RABAH KHELIFF le RECIT de son ACTION. Oran, 5 juillet 1962.
"Je commandais la 4e Compagnie du 30eme BPC (Bataillon de Chasseurs à Pied) et ayant des renseignements, comme tous mes camarades, alors que j’étais le seul officier FSNA, (Français de Souche Nord-Africaine) disions-nous à l’époque, dans cette unité de chasseurs, unité d’élite, (...)……. Ayant eu des renseignements qui m’affirmaient que les membres du FLN ramassaient dans Oran et sur les routes les pieds-noirs et bien sûr les Musulmans qui étaient pro - français, pour les amener dans des camions et les fusiller avant de les jeter dans le Petit Lac, qui, paraît-il, actuellement serait cimenté. (Je préfère parler au conditionnel puisque je n’ai pas vu ces actions, elles m’ont été rapportées). J’ai téléphoné au colonel commandant le secteur qui était mon patron hiérarchique le plus élevé et à son adjoint. Le commandant m’a dit : "Kheliff, je comprends très bien ce que vous ressentez, je vous laisse faire selon votre conscience, mais attention ! Je ne vous ai rien dit. "
J’ai considéré cette réponse comme un feu vert et un encouragement.
J’ai alors embarqué la moitié de ma compagnie et je me suis dirigé vers le point de regroupement - un des points de regroupement -, qui se trouvait devant l’ancienne Préfecture à Oran qui doit toujours être Préfecture aujourd’hui et là effectivement, j’ai vu, d’un part une colonne, colonne par trois ou quatre, de femmes, d’enfants, de vieillards pieds-noirs, des centaines, qui étaient gardés par la valeur d’une section du FLN et qu’on s’apprêtait à embarquer pour une destination inconnue. Devant la Préfecture, il y avait un planton. Je demande à ce planton où se trouve le Préfet. Il m’a montré un monsieur, petit, costaud, chéchia rouge qui grimpait les escaliers de la Préfecture. J’ai donc en trois enjambées rejoint ce Préfet et je lui ai dit : "Monsieur le Préfet, je vous donne trois minutes pour faire libérer tous ces gens-là. Sinon, je ne réponds plus de rien." Le Préfet en question n’a pas répondu, il est redescendu avec moi et il a été voir le patron de la section du FLN. La palabre n’a pas duré longtemps. Les gars du FLN sont montés dans leur camion, sont partis. le Préfet est venu avec moi et a dit à tous ces braves gens, les pieds-noirs : "Vous êtes libres"
Oh ! C’était la joie " (fin de citation).
[S’étant quelque peu éloigné de son détachement, le capitaine Kheliff fut ensuite frappé et blessé par des civils algériens. Ses hommes vinrent le dégager, mais il évita de faire ouvrir le feu.