Centrafrique: au Cameroun, les soldats français prêts pour le début des opérations
- Publié le 05/12/2013 à 09:34
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"Morituri te salutant!" (Ceux qui vont mourir te saluent): dans la brousse, les hommes d'une section du régiment de hussards parachutistes de Tarbes, dans le sud-ouest de la France, lancent leur cri de guerre après un petit briefing de leur adjudant.
Au Cameroun, les militaires attendent le prochain lancement de l'opération de l'armée française pour tenter de rétablir l'ordre en Centrafrique.
"On attend. Tout le monde a envie d'y être mais il ne faut pas être nerveux. Il faut attendre les ordres. On est prêt et on n'a pas peur. On n'a jamais peur", affirme le brigadier Aveau, 23 ans.
Débarquée du navire de transport de troupes Dixmude à Douala, la colonne militaire française remonte vers la frontière centrafricaine en attendant le déclenchement des opérations, alors que quelque 600 hommes sont déjà à Bangui.
A une vitesse réduite de 40 km/heure, la route est longue et fastidieuse à travers des axes saturés par le trafic automobile, sous le regard médusé des Camerounais. Les riverains sont dans leur immense majorité curieux devant ce défilé. Beaucoup sont enthousiastes et applaudissent, mais un petit groupe est hostile.
"Ce sont les joies du paysage. On ne peut pas faire l'unanimité", philosophe l'adjudant Thierry, qui a derrière lui 15 ans de carrière, dont des missions au Kosovo, Bosnie, Tchad, Afghanistan, Sénégal, Liban et Côte d'Ivoire.
Les opérations à l'étranger et l'Afrique, il connaît... Et, si beaucoup de ses hommes ont déjà une expérience d'autres théâtres, il prépare les plus jeunes. "J'essaie de leur parler. Pas de leur bourrer le crâne, mais de procéder par petites touches", explique-t-il. "Ils sont attentifs et ils savent qu'ils devront appliquer les ordres".
"On peut être amené à voir des choses dures. Certains sont très jeunes. Je ne voudrais pas que cela les impacte toute leur vie", précise l'adjudant, qui a effectué trois missions en Côte d'Ivoire et a entendu les récits d'exactions des rebelles de la Séléka en Centrafrique dans les médias.
Un "comité des fêtes" en embuscade?
"Ce sont des pros (les soldats français), qui réagissent vite, mais pas des justiciers ou des desperados. Ils viennent poser une décision prise par notre président", ajoute l'adjudant Thierry.
Ce sous-officier a fait répéter leurs gammes à ses hommes: tir, premier secours en situation de combat, vérification de l'équipement mais aussi gestion des prisonniers: "Ce n'est pas comme à la télé. Le prisonnier a des droits, même si la minute d'avant il a massacré quelqu'un", appuie-t-il, soulignant qu'il faut appliquer les ordres et "ne pas se venger ou faire des représailles".
En Centrafrique, la situation reste confuse et il est impossible de savoir quelle sera l'attitude des hommes ou éléments incontrôlés de l'ex-coalition rebelle de la Séléka, ni celle des milices d'auto-défense, également coupables d'exactions. S'ils obéiront aux consignes de l'armée française, s'ils fuiront ou s'il combattront, comme le promettent certains membres de la Séléka.
L'adjudant n'est pas impressionné: "Ca l'ouvre beaucoup, si ca se trouve il était en train de charger une voiture qui n'était pas à lui pour tailler la route vers le Soudan". Le nord-est de la Centrafrique d'où est issue une grande partie de la Séléka touche le Soudan et le Tchad dans une zone propice à tous les trafics.
L'adjudant ne sous-estime toutefois pas le danger d'un "comité des fêtes" qui attendrait les Français: "C'est un adversaire potentiel et il ne faut pas le prendre à la légère. On ne pêche pas par excès de confiance. On n'est jamais assez prêt psychologiquement".
Les hommes sont sur la même longueur d'onde, mercredi soir, à l'arrivée à leur campement. Certains partageaient un ananas acheté sur le bord de la route "avec le moral".
Le brigadier chef Bruce, 27 ans, résume: "On attend les ordres sans inquiétude. On a l'habitude. Il ne faut pas se faire de films. On ne peut pas aller plus vite que la musique".