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« ... Le devoir de mémoire incombe à chacun...rendre inoubliable. Ceux qui sont morts pour que nous vivions ont des droits inaliénables. Laisser la mémoire se transformer en histoire est insuffisant. Le devoir de mémoire permet de devenir un témoin... »
 
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 Hommage Louis STIEN par cne bonelli

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claude millet
Fondateur
claude millet



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MessageSujet: Hommage Louis STIEN par cne bonelli   Hommage Louis STIEN par cne bonelli EmptyVen 31 Jan 2014 - 12:21

Mon Commandant,
Cher Louis,

Nous sommes ici pour te dire « Adieu »,
Quand Marie-Paule, ton épouse, m’a demandé de prononcer ces quelques mots, les plus simples possible, m’a-t-elle précisé, j’ai bien sûr accepté et lui ai dit que je m’exprimerai avec respect, avec retenue mais aussi avec émotion.
Avec respect pour tout ce que tu as été, pour tout ce que tu as fait,
Avec retenue car ta lucidité ironique refusait les épanchements,
Avec émotion car tu as été un de nos amis, un de nos frères d’armes, parmi les plus valeureux.

L’aventure extraordinaire que tu as vécue, avec l’humilité de penser que tu ne faisais que ton devoir, la plupart de ceux qui t’entourent aujourd’hui la connaissent puisqu’ils l’ont partagée à des titres divers, qu’ils aient été tes camarades de combat ou tes camarades de captivité, qu’ils aient , comme ta famille, partagé les moments heureux, glorieux et douloureux de ta carrière et de ta vie.

Si je résume, ce matin, tes 17 années de vie militaire c’est parce que j’appelle chacun des fidèles, ici rassemblés, à communier à tout ce qui nous unit.

1943, tu as 20 ans, tu entres dans la Résistance et en 1944 tu participes, dans les rangs du 43ème R I, aux combats de la libération de Lille et de Roubaix, puis, devenu sous-officier, tu participes à la campagne d’Allemagne en 1945.
A la fin de la guerre, tu vas à Coëtquidan et, un an plus tard, jeune sous-lieutenant, tu rejoins la Légion à Bel-Abbès puis le 1er BEP et l’Indochine en 1948.

Entre novembre 1948 et février 1950, chef de section, tu es blessé au combat 3 fois en un peu plus d’un an… Les connaisseurs apprécieront : vraisemblablement tu ne marchais pas souvent derrière…

Et puis 1950, c’est la RC4. Cet épisode terrible de la guerre d’Indochine que rappellent les noms tristement célèbres : Dong Khé, That Khé, Caobang, Langson… 5 000 Français contre 25 000 Viets ;
2 000 tués et 3000 prisonniers chez nous.
Septembre 1950, tu sautes sur That Khé avec le 1er BEP dont tu es l’officier de renseignement.
24 septembre, c’est le raid du BEP sur Poma.
Te voilà en tête du bataillon suivi du peloton d’élèves gradés du lieutenant Faulques, un combat dont tous ceux qui ont été chef de section lisent le récit avec délectation, un succès remarquable à mettre au crédit des exécutants, mais un succès, hélas, éphémère.
La semaine suivante, c’est l’attaque projetée, amorcée puis annulée sur Dong Khé, ce sont les combats furieux du Na Khéo menés par tout ce que les adversaires, français et viets, font de mieux dans le genre ; une débauche d’exploits individuels, d’actes de courage, d’un côté comme de l’autre. Je citerai une phrase de ton livre qui résume tout :
« C’est l’élite des deux camps qui se fusille et qui s’égorge ».
Enfin, c’est Coc Xa et la fin du 1er BEP.
A un lieutenant du 1er Tabor qui demandait son chemin au colonel Jeanpierre, celui-ci répondit cette phrase terrible :
« Suivez les morts du 1er BEP ».

Le 5 octobre 1950 tu es fait prisonnier.
Suit alors la descente aux enfers, avec ces 4 années d’épouvante au camp N°1 où on meurt plus que dans les camps nazis.
Là, tu refuses de te résigner. Tu entames une autre bataille…
En mai 1951 : première évasion avec Cornuault et Lefébure, première capture avec simulacre d’exécution à la clé, puis « séjour aux buffles », c'est-à-dire 118 jours dans la boue, dans la merde, 4 mois dans des conditions d’hygiène épouvantable, puis le typhus et le docteur Pedoussaut qui te sauve mais aussi le typhus de l’intellect avec les séances d’éducation politique qui lavent et laminent le cerveau.
A force de volonté, tu parviens à récupérer et tu tentes ta 2ème évasion en juin 1953, en radeau cette fois, sur le Song Gam ; une sorte de rallye de l’impossible entre les 3 équipiers Stien, Jeantelot et Boileau.
Une aventure de 150 km, 2ème échec, nouvelle capture, nouveaux sévices en prison, avec les droits communs, au camp des damnés à Thuyen Quang, retour au camp N°1, nouvelle autocritique. Poursuite de la tragédie…
Cette tragédie qui s’achèvera avec un autre drame : la chute de Dien Bien Phu, l’arrivée d’une nouvelle cohorte de prisonniers au camp N°1. C’est là, qu’avec toi, j’ai partagé le riz et puisé à tes côtés l’énergie et l’espérance qui parfois voulaient nous abandonner.

Tu es libéré en septembre 54, presque 4 ans, jour pour jour après avoir été capturé.
En dépit des tortures physiques et morales, tu es toujours le même,
Louis Stien l’invincible !

Cette captivité extraordinaire, tu l’as raconté dans un livre, « Les Soldats oubliés » aussi passionnant qu’émouvant, récompensé par le prix Raymond Poincaré. Sans amertume, avec une simplicité empreinte d’humour même lors des pires instants, tu retraces ta terrible expérience et ta lutte quotidienne pour rester un Homme Debout face au mal absolu.

Te voilà enfin libre… et tu repars servir ton pays…

En Algérie, en 1955, tu retrouves les parachutistes, non plus les vieux briscards de la Légion mais d’autres parachutistes, de jeunes Français du contingent cette fois, différents et semblables à la fois, différents par leur statut sans doute, semblables à l’évidence par leur désintéressement et leur générosité.
Tu sers au 18ème RCP et à l’ETAP.
Au 18ème RCP, comme officier de renseignement encore puis comme commandant de compagnie, tu gagnes deux autres citations.
Puis en 1960, pressentant qu’une fois encore le sacrifice serait vain, tu décides de quitter l’Armée.
Sur des djebels voisins, tes camarades au béret vert sont encore là. Un an plus tard le 1er REP meurt pour la 3ème fois.

Nous sommes ici, ce matin, en cette église de Notre-Dame des Armées, pour communier dans tous ces souvenirs si lointains et pourtant toujours si proches. En retraçant ton parcours, apparaît l’homme qui appartient à cette étonnante génération de soldats qui n’a cessé de faire la guerre, sur trois continents, pendant plus de 20 ans, placée aux avant-postes des tumultes du monde, avec au fond du cœur  l’amour indéfectible de son pays.

Reconnaissant enfin tes mérites, la France t’a élevé, il y a quelques années, à la dignité de Grand Officier de la Légion d’honneur.


Ton souvenir est gravé au plus profond de nous. Repose en paix Louis .
Adieu.

Eloge funèbre prononcé par le Capitaine Dominique Bonelli.
      31 mai 2011, Notre-Dame des Armées à Versailles.
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