Grève à Libération : la noblesse tient à ses privilèges…
Le 7 février 2014
Les Français, que cela plaise ou non, s'expriment dans les urnes, sur Internet... et dans les kiosques.
C’est encore de la faute des Français. Il y a quelques mois, déjà, on apprenait que leur désamour envers
L’Humanité avait mené le journal à la faillite (qu’ils ont dû compenser avec leurs propres deniers, ça leur apprendra à faire les malins). Hier, c’était au tour de
Libération de faire les frais de
la France qui pue.
En effet, les salariés du quotidien se sont mis en grève : pas de journal ce vendredi 7 février. Ils réclament
« un vrai projet rédactionnel », que les investisseurs dont on leur parle
« se fassent connaître », mais aussi le départ de Philippe Nicolas (DG) et Nicolas Demorand (PDG), qu’ils avaient déjà appelé de leurs vœux majoritaires en novembre, à 89,9 %. Le quotidien, dont les ventes se sont effondrées l’an passé (-14,91 %), connaît des jours sombres : une dette de 6 millions d’euros, une perte qui devrait aller de 1 à 1,5 million d’euros en 2013 et un avenir qui ne s’annonce pas meilleur, avec seulement quelques mois de trésorerie pour passer l’hiver.
Les salariés disent vouloir
« un projet éditorial ambitieux qui réponde aux attentes de ses lecteurs » mais ils ne veulent pas entendre parler de l’éventuelle baisse de salaire proposée par la direction. On se souvient que l’hypothèse d’un déménagement à Bagnolet avait d’ailleurs suscité un
« grand émoi » chez les journalistes
« viscéralement attachés » à leurs locaux parisiens de la rue Béranger…
La déroute de
Libération est en fait semblable à celle de l’industriel fauché qui nie sa misère, se repose sur un prestige ancien et ne veut pas comprendre que les gloires du passé ne suffisent pas à nourrir un futur dont la faim est sans cesse renouvelée. Ironiquement, la rédaction de
Libération, c’est un peu la noblesse qui défend ses privilèges basés sur l’hérédité et qui n’admet pas d’être logée à la même enseigne que les petits débutants qui font leurs armes, ou reléguée derrière les nouveaux parvenus que personne n’avait vu arriver, défendant les subventions que l’État lui verse comme un gage de la liberté de la presse et du pluralisme démocratique.
Or, la loi du marché, dans le cas présent, confirme celle du peuple. Et si celui-ci n’achète pas
Libération, alors il ne reste à ce journal qu’à reprendre bien gentiment la place qui est désormais la sienne dans le paysage de la presse française, de laisser les gros poissons jouer entre eux et de rejoindre sans jérémiades le pédiluve qui doit lui servir de bassin.
Car si l’on peut aisément taire les chiffres, noyer les débats, répandre la honte et convoquer sur les plateaux télévisés tout ce que le monde médiatique compte d’âmes respectables, personne n’a encore trouvé le moyen de faire perdurer l’illusion gauchiste au-delà de ses limites naturelles : les Français, que cela plaise ou non, s’expriment dans les urnes, sur Internet… et dans les kiosques.
On invoque les
« difficultés de la presse écrite ». En effet. Mais comment expliquer que l’année 2013 ait vu le maintien paisible du
Figaro (-1,88 %), des
Échos (+ 0,74 %), ou de
La Croix (+0,81 %) ? Sans parler de l’hebdomadaire
Valeurs actuelles et du site
Mediapart, qui se sont tous deux envolés comme un essaim de colombes radieuses ! Tandis que le premier peut s’enorgueillir d’un succès insolent en pleine crise (+11,84 %), le second affiche la mine des jours heureux avec des prévisions de chiffre d’affaires qui s’élèvent à 7 millions d’euros pour l’année 2013 (on comprend maintenant l’éternel sourire malicieux qui borde la moustache d’Edwy Plenel…)
Un point commun entre ces deux organes : l’analyse et l’investigation. Ce sont eux qui ont révélé l’essentiel des grandes affaires de ces derniers mois, déterré les chiffres passés inaperçus, traqué les études dissimulées sous le tapis. Les premiers journaux à perdre à ce jeu sont ceux qui ont cru pouvoir tromper le lectorat en enfilant des perles : subversion facile, gauchisme rieur et presse légère, cela suffit à peine à séduire les étudiants de ma fac qui ramassent chaque matin un exemplaire de la pile gratuite de
« Libé » avant de rejoindre les salles de cours…
Avec le peuple, tout recyclage perpétuel finit bien par aboutir au tri sélectif. Hélas, il se pourrait bien que ce soit encore lui que l’on convoque pour éponger le désastre financier qui se profile à l’horizon. Et vous savez quoi ? Comme un jour la fourmi avait refusé de secourir la cigale, il se pourrait qu’il dise non à son tour.