Publié le: jeu, oct 2nd, 2014
Le Mag & Co | par
Béa Armoric Et les « Gueules cassées » de nos Opex ?
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Fabien Lécuyer, je ne réponds pas ici sur le fond de votre critique littéraire « Une Bretagne à la gueule cassée » mais je me permets de rebondir sur la phrase suivante :
… Il y a encore 30 ans de ça, nous avions tous un ancien combattant dans notre entourage. (…)
Et j’aimerai vous raconter la triste anecdote qui suit, qui commence à Paris et finit à Nantes.
Lorsque j’étais petite, je vivais à Paris et prenait le métro pour aller au collège. Aux places numérotées et réservées pour les handicapés, il était écrit « 1
er- aux mutilés de guerre ; 2
ème… ».
Cela me parlait. Mon grand-père avait fait 14-18 et me racontait ses histoires du front, des attaques au gaz moutarde, etc. Lorsqu’en vacances, je dormais dans sa ferme, je le faisais sous les photos des portraits en buste, encadrés, cloués aux murs, des ascendants morts au combat. Sous la vitre et sur leur poitrine, on avait rajouté leurs médailles. Puis, mon père avait fait 39-45 (Colonne Leclerc) et me racontait l’occupation, les bombardements, les francs-tireurs au fil de l’avancée de la Colonne vers l’Allemagne, etc.
Moi, je n’ai fait aucune guerre. J’en ai horreur parce que je la connais. J’ai vécu 20 ans dans un pays en guerre. En « sale guerre ». Loin d’ici.
Revenue en France, installée à Nantes et devenue handicapée, j’utilise les sièges qui nous sont réservés. Jusqu’à voilà peu, dans les bus, ils n’étaient même pas marqués, ni identifiés. Avec notre handicap et l’incivilité rampante, on se démerdait comme on pouvait… Puis, récemment, des stickers transparents, très, très discrets sont apparus sur les vitres « PLACES RÉSERVÉES – Par priorité aux grands mutilés de guerre et aux invalides civils…
». Cela m’a ramenée des décennies en arrière, dans les bruyants wagons de bois de la Ratp !
Puis, j’ai sursauté « grands mutilés de guerre » ??!! Quelle absurdité ! Quelle boîte de comm’ s’est fait payer pour un message aussi obsolète ! Mais ils sont tous morts aujourd’hui. 14-18… 39-45… Du moins, je n’en ai jamais vu dans les bus de la Tan !
Pensive, je me suis dit : peut-être les Opex ! Les opérations extérieures. Combien de nos soldats nantais, bretons, ont été ou sont impliqués dans les « conflits régionaux » d’hier et d’aujourd’hui : Balkans, Irak, Afghanistan, Tchad, Mali et État islamique?
Mais je n’en ai jamais vu non plus. Et puis, statistiquement, ils doivent être beaucoup moins nombreux qu’au siècle dernier, dans toute la France, en Bretagne, en Loire Atlantique et encore moins à Nantes.
Alors, lorsque j’ai été reçue l’année dernière par Mme Choquet, conseillère municipale pour les handicapés et vice-présidente de la Tan, pour me plaindre qu’à Nantes rien n’était facile pour les handicapés malgré l’invraisemblable Prix de l’UE qu’elle venait de recevoir en mains propres -2
ème Prix, ACCESS CITY AWARD 2013-, je l’ai remercié pour les stickers transparents, très, très discrets et lui ai posé la question :
lorsque la Tan colle sur les vitres des bus « « grands mutilés de guerre »
, vous vous référez aux soldats nantais (donc bretons!)
des Opex ?Elle m’a regardé comme si je venais de lui poser une question hors sujet, comme si je parlais Pachtoune ou comme si j’avais fumé la moquette de la mairie pendant les deux mois d’attente pour ce rendez-vous.
En bonne politique, rompue à la langue de bois, elle changea de sujet.
À la fin de l’entretien, elle m’assura qu’elle répondrait à mes questions dont je lui avais laissé une copie écrite.
Octobre 2014, j’attends toujours sa réponse…
Les « grands mutilés de guerre » de la Tan… ce sont les soldats nantais (donc bretons!) de nos Opex ?
Nos « gueules cassées » d’aujourd’hui !
Les « gueules cassées » d’opérations moins glorieuses que nos deux grandes guerres… nos anonymes soldats blessés et ensevelis sous l’omerta des guerres modernes et des médias qui appartiennent aux marchands d’armes français* ?
Ceux-là même qui s’enrichissent avec les guerres mais aussi en nous informant et en nous désinformant sur ces mêmes guerres.
Je le répète « je n’aime pas la guerre » mais il y a des Gueules que l’on aimerait casser…