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| “Les Yeux brûlés” de Laurent Roth, un diamant noir du film de guerre enfin dévoilé | |
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La Citadelle confirmé
| Sujet: “Les Yeux brûlés” de Laurent Roth, un diamant noir du film de guerre enfin dévoilé Lun 16 Nov 2015 - 23:52 | |
| Secret défense “Les Yeux brûlés” de Laurent Roth, un diamant noir du film de guerre enfin dévoilé
- Jérémie Couston
- Publié le 13/11/2015. Mis à jour le 13/11/2015 à 17h34.
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Des milliers d'images tournées par le service cinéma des armées, Laurent Roth a tiré un film documentaire fascinant avec Mireille Perrier en fausse Candide. Réalisé dans les années 80, il n'avait jamais eu les honneurs d'une sortie publique sur grand écran. C'est chose faite. En 1985, Laurent Roth fait son service militaire au fort d'Ivry, le service du cinéma des armées, où se planquent généralement les futurs réalisateurs et les bons élèves pas manchots avec une caméra. Pendant un an, il a accès à toutes les archives tournées par les reporters de guerre depuis 1914. Des images de conflits accumulées pour l'histoire car destinées à ne jamais sortir de ces murs, la grande muette étant plus que tatillonne sur sa réputation. Ni les morts, ni les blessés, ni les civils en souffrance ne doivent être montrés au public. Mais l'armée conserve ces images dans ses archives, pour mémoire. Créé en 1946, le service cinéma des armées doit alors fêter ses 40 ans et passe commande au jeune appelé d'un film commémoratif. « Un documentaire d'une heure simplement prévu pour accompagner une soirée de gala avec les ministres », se souvient Laurent Roth. « Après un premier scénario très classique, trop classique, où je menais moi-même les entretiens avec les reporters de guerre dans l'enceinte du fort d'Ivry, j'ai compris qu'il fallait que j'aille plus loin, que je confronte ces reporters à quelque chose qui les mette en danger, qui les déstabilise, pour les faire sortir du discours convenu sur leur métier. » Laurent Roth a alors l'idée de demander à la pimpante Mireille Perrier, qui vient d'être révélée par Boy meets Girl, de Leos Carax, de jouer la Candide, la médiatrice, face à ces hommes virils d'une autre génération, presque d'un autre temps. « Il me fallait aussi trouver un lieu différent, contemporain, loin de ceux associés généralement à l'armée. » 1986, c'est à la fois la grande époque des galeries marchandes, des centre commerciaux mais aussi des attentats dans les lieux publics (sur les Champs-Elysées, dans la Poste de l'hôtel de ville, rue de Rennes), et du plan vigipirate. « On commençait à comprendre que la guerre se déplaçait, qu'on pouvait être visés, ici, à Paris, on est d'ailleurs toujours dans cette boucle historique avec Charlie . »Cantine militaireSon choix se porte sur l'aéroport de Roissy, point d'entrée symbolique de cette violence venue d'ailleurs. Le tournage aura lieu début 1986, quand Laurent Roth est démobilisé – « j'étais plus libre vis à vis de l'institution et j'avais la confiance de ma hiérarchie ». Le déclencheur de ce docu-fiction est la cantine militaire que Mireille Perrier vient chercher à l’aéroport. Il s’agit des effets et clichés de Jean Péraud, reporter photographe mort à Dien bien Phu le 8 mai 1954. Sur une banquette orange du terminal des arrivées, un dialogue s'engage entre la jeune femme et les anciens compagnons de presse du disparu : Raoul Coutard, Marc Flament, Pierre Schoendoerffer, Raymond Depardon, Pierre Ferrari, Patrice George, André Lebon, Daniel Camus... Ils évoquent, tour à tour, leur fascination pour la guerre, leur expérience au front, face à une Mireille Perrier faussement ingénue : « Je venais de tourner le Garrel [Elle a passé tant d'heures sous les sunlights] et je me sentais un petit soldat à ma façon, comme traquée, déstabilisée. Philippe Garrel était capable, au milieu d'un plan, de me mettre une arme dans les mains par exemple. »La méthode de travail de Laurent Roth est moins violente, aucun pistolet à échanger, mais une technique inspirée des dialogues de Shoah, qui venait de sortir en salles. « La manière qu'à Lanzmann de revenir en douceur, de poser la question autrement, de faire l'idiot, me paraissait très efficace et très novatrice. La question taboue du plaisir est évoquée plusieurs fois par Mireille Perrier. Car ces reporters ne font pas qu'obéir à leur ordre de mission, ils trouvent une gratification profonde d'aller tourner ces images à la limite du possible, de l'ordre de l'abject, de l'immontrable. » Aux mots des reporters de guerre, Laurent Roth juxtapose des images piochées dans les archives des armées. Des images en noir et banc de soldats au front, une sublime pluie de bombes sur le Pacifique, des combats abstraits dans la forêt indochinoise. La plupart totalement inédites. Une fois livré à ses commanditaires, le film ne subit aucune censure, sans pour autant plaire à toute la hiérarchie militaire, qui a du mal à savoir si Laurent Roth est un renégat ou un bon soldat. « J'avais mis un plan de la guerre d'Algérie exprès pour qu'ils aient quelque chose à supprimer. »Serge Daney, qui officie alors à Libération, défend le film dans un superbe texte : « L’idée, bien que forte, serait banale (rappelons qu’en anglais to shoot signifie tirer et filmer) si Roth, à travers son propre remontage de vieilles archives (commentées par de la musique classique et de la voix off de Depardon) et son « altra ego » qu’est le personnage de Mireille Perrier, ne lâchait plus l’os métaphysique que l’armée elle-même semble avoir renoncé à ronger depuis longtemps. Os bazinien dans lequel il n’est d’image que faite « en co-production » avec la mort. » Présenté dans quelques festivals (dont Belfort) mais jamais sorti en salles à l'époque, le film bénéficie d'une aura auprès des très rares spectateurs qui ont pu le découvrir. Une aura et un pouvoir de fascination intactes, à la hauteur de son sujet brûlant d'actualité. A la fois film institutionnel en hommage aux cinéastes-soldats et brûlot antimilitariste, film-poème et réflexion sur l'ambiguë cinégénie de la guerre, Les Yeux brûlés ne ressemble en rien à du cinéma aux ordres. | |
| | | battement zéro Pro !
| Sujet: Re: “Les Yeux brûlés” de Laurent Roth, un diamant noir du film de guerre enfin dévoilé Mar 17 Nov 2015 - 21:03 | |
| Merci La Citadelle. _________________
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