Si 90% des Français ont confiance en leur armée en raison de la valeur des hommes et des femmes qui y servent, plus d’un Français sur deux estime que le budget actuel de la Défense ne permet pas à nos forces de remplir leurs missions et 70 % pensent qu’il faut moderniser les forces conventionnelles pour maintenir la crédibilité des armées (1). Leur diagnostic est juste et leur évaluation de la situation de nos forces est parfaitement pertinente. Ainsi, les Français connaîtraient-ils mieux et s’intéresseraient-ils davantage aux Armées que nombre d’élus pour qui la Défense devrait être une des premières préoccupations ? Qui ne sait, grâce à internet, que les effectifs militaires sont réduits au point qu’il y a aujourd’hui moins de soldats professionnels qu’il y en avait avant la professionnalisation ? Qui ne sait que, pour faire face aux multiples missions, les armées sont contraintes de réduire le temps de formation et d’entraînement des unités et des pilotes ? Qui ne sait que nombre de matériels ont près de 50 ans d’âge et que le taux de disponibilité moyen ne dépasse guère 50 % en raison des conditions d’emploi (rythme et climat) ? Bref, face à cette situation, la décision du président de la République d’arrêter les réductions d’effectifs inscrites dans la loi de programmation militaire 2014-2019 va dans le bon sens, mais elle permet seulement de ralentir la dégradation de notre outil de Défense. Cette décision ne constitue en aucun cas le début d’une remise à niveau de nos forces. C’est l’équivalent, pour un blessé grave, d’un point de compression face à une hémorragie. Les chiffres sont là : nos forces ont été amputées d’environ 10 000 personnes durant les années 2013 et 2014 et de 40 000 au cours du quinquennat précédent, entre 2007 et 2012, alors que les menaces et le nombre des opérations militaires ne faisaient déjà qu’augmenter ! Tous ceux qui s’intéressent aux questions de Défense, en consultant par exemple les auditions des chefs d’état-major ou en ayant des contacts directs avec des membres de nos armées, savent qu’il est indispensable et urgent de relever notre effort de Défense. Les contrats opérationnels définis dans le dernier Livre blanc de 2013 par une commission, qui comptait d’ailleurs très peu de militaires, s’avèrent, comme l’ASAF le dénonçait dès sa parution, parfaitement incohérents au regard des menaces qui y étaient pourtant décrites avec justesse. Aujourd’hui, alors que « nous sommes en guerre » sur plusieurs fronts et pour longtemps, nous consacrons à la Défense 1,5% de notre PIB, soit deux fois moins qu’en 1982, année où les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 obéraient pourtant lourdement nos finances. Il est vrai que nous dépensons annuellement en pure perte, l’équivalent d’une fois et demie le budget de la Défense en paiement des intérêts d’une dette dont le volume n’a cessé de croître en dépit des coupes faites depuis plus de 30 ans dans le budget de la Défense.
Comment refaire nos forces ?
Point n’est besoin d’un nouveau Livre blanc sauf pour permettre au Président de préciser ou confirmer sa vision de la France et ses ambitions stratégiques. Veut-il disposer d’une véritable capacité d’influence mondiale et être en mesure de remplir nos obligations de membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU ? Veut-il disposer d’une force de dissuasion nucléaire crédible ? Veut-il avoir une véritable capacité d’appréciation de situation autonome? Veut-il être en mesure de défendre nos intérêts stratégiques à l’étranger et si oui, dans quelles zones du monde? Veut-il être en mesure d’intervenir comme membre influent dans une coalition européenne? Veut-il enfin et surtout être en mesure d’assurer la neutralisation de l’ennemi s’il opérait de manière organisée et coordonnée sur tout ou partie du territoire national ? C’est d’abord à partir de la définition du projet politique pour la France et du niveau d’indépendance et de crédibilité recherchés que doivent être déterminées les ressources consacrées à la Défense. Est-il vraiment déraisonnable de viser initialement 2,5 % du PIB grâce à une augmentation annuelle de 0,1 % de part de PIB pendant 10 ans puis, si la situation l’exige, de viser 3 % pour 2030 ? Cet effort ne sera réalisable que si des mesures draconiennes de lutte contre le gaspillage sont mises en œuvre et que si l’Etat se recentre sur les fonctions vitales, c’est-à-dire stratégiques, de la politique de Défense. A partir d’une vision et de buts politiques clairs et d’un budget revu à la hausse sur le moyen et le long termes, il sera possible aux Armées, en liaison étroite avec les industriels, de proposer une reconstitution des capacités perdues, de moderniser rapidement nos équipements et, surtout, d’augmenter notre format pour pouvoir mener les opérations actuelles avec succès et être en mesure de préparer les capacités nécessaires aux menaces de demain.
L’ASAF, qui a pour seule ambition de soutenir notre armée par la sensibilisation des Français et par le rappel aux responsables politique de la priorité que constitue la Défense, saisira toutes les occasions pour développer et présenter ces propositions sans pour autant vouloir se substituer aux états-majors qui disposent d’équipes très compétentes. C’est dans cet esprit qu’elle continuera à s’exprimer dans les médias qui la solliciteront, dans les réunions publiques et séminaires traitant des questions de Défense. Affiliée à aucun parti politique, l’ASAF veut apporter son capital de connaissances et d’expériences à une réflexion indépendante, à un débat libre et argumenté susceptible de déboucher sur des propositions pertinentes. Elle pourra être ignorée des médias, ostracisée ou au contraire stigmatisée ou calomniée en raison de ses prises de position. Elle le sait. Mais en ce 100e anniversaire de la bataille de Verdun, il en faudrait bien davantage pour la faire renoncer à ce qui, pour elle, constitue un devoir essentiel au regard de la situation de fragilité et de guerre dans laquelle nous nous trouvons.
LA REDACTION 1/ Selon le dernier sondage du ministère de la Défense DICOD/IFOP |