Ces Montpelliérain(e)s illustres. Épisode 1 : Lenormand, l’inventeur du parachute
Cet été, Métropolitain part à la rencontre des personnalités montpelliéraines qui ont brillé dans l'histoire de la ville.
Publié le 19 Juil 20 à 19:11 |Modifié le 19 Juil 20 à 21:25
(:copyright:Figuier Romanet & cie/Tissandier collection)
Peut-être que son nom ne vous dit rien. Et pourtant,
Sébastien Lenormand est l’un des Montpelliérains les plus connus à travers le monde, et ce grâce à son invention, le
parachute.
Inventeur du parachute ou premier parachutiste ? C’est là tout l’objet d’un débat qui a survécu aux siècles et qui a trompé la littérature dédiée à la ville, y compris certains historiens des sciences. Hélas, Lenormand fut bel et bien le premier à concevoir et tester un parachute, mais il ne l’a jamais éprouvé lui-même, comme en témoignent pourtant deux célèbres illustrations.
Siècle de découvertes
Sébastien Lenormand voit le jour à Montpellier en
1757. Ce fils d’horloger est très tôt passionné par les sciences et il part étudier la chimie et la biologie à Paris avec comme professeurs
Lavoisier et
Berthollet… Le contexte est d’ailleurs favorable aux sciences car cette seconde moitié du XVIIIe siècle est marquée par un ouvrage majeur, l’
Encyclopédie édité sous la direction de Denis
Diderot.
C’est d’ailleurs dans cette démarche de progrès qu’est installée à Montpellier l’
Académie royale des sciences (actuelle rue de l’Aiguillerie, près du magasin Pomme de Reinette). Cette académie va jouer un rôle important dans l’invention de Lenormand et du parachute car sans elle, la
Tour de la Babote, vestige des remparts de la ville aurait été probablement détruite. En effet, dès 1739, l’Académie royale des sciences demande l’autorisation d’y établir un observatoire d’astronomie, ce qui lui est accordée. Dès lors, la question de sa démolition est révolue. Et Lenormand pourra faire l’expérience de son invention en se servant de sa hauteur.
Louis-Sébastien Lenormand, un Montpelliérain qui est entré dans la légende… (:copyright:DR)
Car Sébastien Lenormand, revenu à Montpellier, se passionne pour une légende venue du royaume de Siam relatant les exploits aériens d’esclaves. C’est du moins ce qu’il précise dans un texte de 1784, adressé à l’Académie des Sciences de Lyon :
- Citation :
- Dans un volume de l’Histoire des Voyages, j’avais lu que des esclaves, pour amuser leur roi, munis d’un parasol, se laissaient aller d’une hauteur assez grande pour se faire beaucoup de mal ; mais qu’ils étaient retenus par la colonne d’air qui était comprimée par ce parasol. »
Le scientifique s’essaie alors à la confection d’un premier parachute (mot qu’il inventera également) qui ressemble alors davantage à un parasol. Plus tard, alors que d’autres scientifiques lui disputeront la paternité de cette invention, Lenormand précise la construction de son spécimen :
- Citation :
- Je fais un cercle de 14 pieds de diamètre avec une grande corde, j’attache tout autour un cône de toile dont la hauteur est de six pieds. Je double le cône de papier en le collant sur la toile pour le rendre imperméable à l’air. Ou mieux, au lieu de la toile, j’utilise du taffetas recouvert de gomme élastique. Je mets tout autour du cône des petites cordes qui sont attachées par le bas à une petite charpente d’osier et forment avec cette charpente un cône tronqué et renversé. C’est sur cette charpente que je me place. Par ce moyen, j’évite les baleines et le manche qui feraient un poids considérable. Je suis si sûr de risquer si peu, que j’offre d’en faire moi-même l’expérience, après avoir cependant éprouvé le parachute sur divers poids pour être assuré de sa solidité. »
La Tour de la Babote pourrait se prêter à cette expérience. Mais prudent, Lenormand, veut d’abord essayer son invention en sautant d’un vieil ormeau situé dans l’enclos des Cordeliers. Munis de « deux parasols » qu’il saisit de ses mains il saute dans le vide et atterrit sans difficulté sur la terre ferme. Il faut dire que la chute est très brève, mais Lenormand en sort tout de même indemne, preuve que « la colonne d’air » a bien fonctionné :
- Citation :
- Le chute me paraissait presque insensible lorsque je la faisais en fermant les yeux ».
L’une des deux illustrations qui créa la légende du premier parachutiste… (:copyright:Figuier Romanet & cie/Tissandier collection)
Légende et réalité
Engaillardi par son exploit, Lenormand écrit alors un mémoire scientifique qu’il adresse à l’Académie de Lyon et annonce qu’il va renouveler l’expérience du haut de la Tour de la Babote.
Nous sommes le jour J, le 26 décembre 1783. Une foule assez importante est venue assister à cet exploit. Parmi le public, de nombreux scientifiques ont été piqués de curiosité par l’impétuosité de l’inventeur montpelliérain. Joseph Montgolfier, qui a créé la première montgolfière un an plus tôt est présent. Ce dernier se servira d’ailleurs de l’invention de Lenormand pour réaliser également des expériences de vol.
Or, contrairement à la légende, Lenormand ne s’élancera pas comme lors de son premier essai. Il laisse la primeur de sa découverte à des poules, des chats et des chiens qu’il place dans un panier relié au parachute. La démonstration est un succès, même si le savant Lenormand loupe de peu son entrée dans l’histoire du
base jump…
La légende qui nous a fait croire à un saut véritable de Lenormand a été créée par inadvertance cinquante ans plus tard. Louis Figuier, vulgarisateur scientifique de l’époque, popularisa ce mythe dans son ouvrage
Les Merveilles de la Science paru en 1868, accompagné d’une illustration réalisée par son épouse Madame Bouscaren. La légende perdura longtemps si bien qu’en 1945, une plaque commémorative fut fixée sur la tour de la Babote avec cette inscription : « À la mémoire du physicien Sébastien Lenormand qui, en 1783, du balcon de cette tour osa le premier saut en parachute ». Preuve de cette bévue, le deuxième étage de la tour, qui apparait sur l’iconographie, ne fût élévé qu’en 1788, soit cinq ans après le mémorable essai de Lenormand.
Astéroïd
Si Lenormand se fit déclasser par l’histoire et par un certain André-Jacques Garnerin en tant que premier parachutiste, après son saut réalisé au parc Monceau en 1797, le savant montpelliérain passera définitivement à la postérité en 2001, lorsque découvrant un nouvel astéroïd, les observateurs de la Société astronomique de Montpellier (locataires de la Tour de la Babote – encore elle – depuis 1979), lui donnèrent le nom de Lenormand. Preuve qu’à Montpellier, certains n’ont pas oublié cet inventeur, découvreur d’une nouvelle manière… de s’envoyer dans les airs !
Pour en savoir plus sur l’histoire de Montpellier, de nombreuses visites thématiques sont proposées par l’
Office de Tourisme Montpellier Méditerranée. Les guides de l’Office ont d’ailleurs créé une série de podcasts qu’il est possible d’écouter librement sur Soundcloud.
source saut en parachute: https://soundcloud.com/vivezmontpellier/episode-3-le-grand-saut-de-sebastien-lenormand