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« ... Le devoir de mémoire incombe à chacun...rendre inoubliable. Ceux qui sont morts pour que nous vivions ont des droits inaliénables. Laisser la mémoire se transformer en histoire est insuffisant. Le devoir de mémoire permet de devenir un témoin... »
La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique
+3
guilhon
jacky alaux
claude millet
7 participants
Auteur
Message
claude millet Fondateur
Sujet: La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique Lun 4 Juil 2022 - 18:59
Citation :
Probablement l’exemple le plus vibrant de l’idée commune à la filmographie de Pierre Schoendoerffer, La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique. L’ancien combattant offre un regard sans concession sur une déroute totale de l’armée française, en replaçant l’humain au centre de l’équation.
Citation :
1965 Réalisé par: Pierre Schoendoerffer Avec: Jacques Perrin, Bruno Cremer, Pierre Fabre Film vu par nos propres moyens En 83 ans d’existence, la vie du cinéaste Pierre Schoendoerffer n’a cessé d’être marquée par la guerre, jusqu’à en faire une des obsessions de l’artiste. Avant même sa naissance en 1928, de bien étranges augures tracent déjà son destin, alors que son père et sa mère se rencontrent en 1919, au cours de la cérémonie de restitution de l’Alsace à la France. Cet ascendant masculin, Pierre Schoendoerffer ne le connaîtra que très peu: alors qu’il n’a pas encore 20 ans, la Seconde Guerre mondiale lui arrache ce modèle, faisant de lui un pupille de la Nation. Mais davantage qu’à travers cet historique familial complexe, marqué par les horreurs de la première moitié du XXème siècle, c’est à travers le conflit indochinois que se cimente la vision du réalisateur. Après une brève carrière de marin, Pierre Schoendoerffer s’engage dans l’armée, au sein du Service cinématographique, filme le quotidien des combattants français sur ce front asiatique, et est même fait prisonnier, jusqu’en 1954. De retour au pays, le garçon est devenu homme, et est habité d’une envie vive d’exposer ses démons sur grand écran, à travers une carrière de cinéaste qui reviendra sans cesse sur la guerre d’Indochine. Dans ce corpus de longs métrages unis par ce thème commun, et dans lequel figureront par la suite des œuvres comme Le Crabe-Tambour en 1977 ou Diên Biên Phu en 1992, La 317ème section fait office de socle fondateur, en 1965. Un film loin de passer inaperçu aux yeux du monde du 7ème art, puisqu’il glane le prix du scénario à Cannes, la même année. C’est dans le quotidien âpre de soldats français, membres d’une armée en pleine déroute, que Pierre Schoendoerffer inscrit son regard, pour une proposition dont il signe le scénario et la réalisation. Alors que la guerre d’Indochine touche douloureusement à sa fin, et que Diên Biên Phu est sur le point de tomber, une section de combattants reçoit l’ordre de quitter leur camp de base pour gagner la ville sous contrôle français la plus proche. Mené par l’adjudant Willsdorf (Bruno Cremer) et le sous-lieutenant Torrens (Jacques Perrin), ce bataillon, composé aussi bien d’autochtones que de militaires venus de l’hexagone, arpente les collines de l’Indochine, talonné par les soldats Viêt-Cong, et faisant face à des conditions de vie inhumaines. Le voyage devient rapidement un périple aux confins de la résilience humaine.
La 317ème section prend donc l’allure d’une transhumance constante au milieu d’une jungle hautement hostile, un road movie en dehors de tout sentier battu. Si quelques échauffourées parsèment le film, elles semblent toujours surgir comme un coup de poignard, une morne ponctuation qui met un point à la lente agonie des hommes en errance. Les cadres qu’offrent Pierre Schoendoerffer communiquent le sentiment étrange que les soldats ne sont rien face à une végétation prête à les avaler sans n’en laisser aucune trace. La maladie ou encore les insectes sont tout aussi néfastes que les armes, comme si la terre que parcouraient les combattants ne voulait plus de leur présence. À une période clé du conflit, où l’armée française s’embourbe dans le conflit, l’exemple qu’offre le cinéaste fait écho à cet état de fait: ils ne sont plus chez eux, si toutefois ils n’y ont jamais été, et le sol les rejette. Les quelques incursions dans des villages de pauvres paysans ne font finalement que rehausser ce constat, alors que l’accueil y est toujours complexe. Pour créer un décalage encore plus vif, La 317ème section utilise quelques artifices du monde occidental, de manière presque anachronique. Alors qu’elle quitte son camp de base, la section tient à emporter avec elle un frigo. Dans quel but ? Aucun. Tout simplement pour ne pas le laisser derrière eux, et sans autre motivation. L’utilisation de la radio, pour communiquer avec l’état major, est quant à elle sans cesse perturbée par des émissions étrangères: une représentation radiophonique en anglais de Macbeth, où encore des bulletins d’information. Le monde qui dirige cette colonie de fourmis apparaît lointain, inatteignable, et alors que les hommes ne sont plus bienvenus en Indochine, leur patrie est inaccessible. Le réconfort ne se trouve que dans l’illusoire bonheur d’un paquet de cigarettes ou dans une bouteille d’alcool, par ailleurs régulièrement contrarié par les rebondissements du récit.
Pierre Schoendoerffer se pose en réalité en témoin d’une longue décrépitude vers la mort, qui semble être une métaphore sinistre de l’état de l’armée française à cet instant du conflit. Plus les minutes s’égrènent, plus l’ombre funeste plane sur la section, comme une faucheuse qui ne sévirait pas d’un coup vif, mais plutôt d’une contamination progressive. La lente agonie de plusieurs protagonistes crée une forme d’effroi que le déroulé de La 317ème section accentue sans cesse. Un sentiment d’autant plus austère que l’issu des estropiés ne fait aucun doute, dès les premières minutes. Seule compte une forme de course déraisonnée à la survie la plus longue, sans autre but que de repousser une fatalité que chacun connaît. L’armée est malade, rongée par un cancer qui la terrasse petit à petit, condamnée à court terme. Une forme d’idéal militaire dérisoire alimente le long métrage, et s’incarne à travers le personnage de Torrens principalement. Ce jeune gradé fraîchement débarqué est complètement hors de son champ de compétence, et n’entend pourtant pas raison. Son amour de l’uniforme et son absence totale d’esprit critique en font un soldat de pacotille, loin des enjeux humains. Gargarisé par des affrontements qui ne changeront rien au cours du conflit, et qui ne font qu’au mieux mettre ses hommes en danger, il catalyse tout ce qui à conduit l’armée à sa déconfiture. Dans un même élan, La 317ème section créer un rapport conflictuel entre lui et les natifs de l’Indochine. Envers ses hommes, il apparaît désintéressé, ne connaissant souvent pas leur nom, ou rechignant à leur administrer de la morphine. À la rencontre des civils, il reste froid, autoritaire, colonisateur et incompréhensif. Sans jamais devenir manichéen, le film expose son incompétence avec subtilité.
Face à lui, Willsdorf est le sage de toutes les guerres. Fin stratège, il est un vétéran de la Seconde Guerre mondiale, qu’il a vécu dans l’armée allemande, contre son gré. Cet aspect de son passé explique en partie son regard beaucoup plus nuancé sur les évènements, et sa perception accrue qu’il n’y a pas de bon et de mauvais camps dans ces affrontements. Il est juste là pour survivre, pour exister, mais avec une conscience du collectif. Si Torrens est la réalité froide de l’armée, Willsdorf en est un idéal, et le protagoniste ne souhaite d’ailleurs absolument jamais se défaire de son uniforme, même face à la chaleur. Pourtant, il n’est pas paternaliste envers son supérieur, simplement résigné sur l’issue du conflit, et plus à l’écoute du peuple indochinois. La 317ème section souligne en vérité l’absence presque totale d’idéologie qui habite ses personnages français. Uniquement là pour répondre aux ordres d’une hiérarchie toujours invisible, ils ne savent ni comment, ni pourquoi continuer de se battre. La guerre est perdue, mais la doctrine militaire continue de régner dans une absurdité totale. Le pouvoir des idées, Pierre Schoendoerffer le place explicitement dans les mains des autochtones, à travers une scène criante de vérité. Lors de la manipulation d’un œuf, un agent politique Viêt-Cong fait la démonstration de la séparation du blanc occidental et du jaune asiatique. Le long métrage reconnaît la facilité d’une telle mise en scène, mais confie dans le même temps une vérité plus grande: “Ils ont besoin de symboles, de légendes”. L’armée française n’en a plus aucune, et le réalisateur est désabusé autant qu’il est réaliste.
Probablement l’exemple le plus vibrant de l’idée commune à la filmographie de Pierre Schoendoerffer, La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique. L’ancien combattant offre un regard sans concession sur une déroute totale de l’armée française, en replaçant l’humain au centre de l’équation.
FOUQUET66, le 6, Dakota27, claude.d, The Trekker et VON KNECHTEN Patrick aiment ce message
jacky alaux Expert
Sujet: Re: La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique Lun 4 Juil 2022 - 23:37
Magnifique film... D'un réalisme et d'une vérité sans failles ! Faut avoir vécue la dure réalité de la guerre pour être capable de nous montrer dans ce film (a petits budgets ) ce qu'est vraiment LA GUERRE. Il y a la: ni de Héros ni de Rambo, seulement des Hommes qui savent que la mort est au bout du chemin.
FOUQUET66, Dakota27 et claude.d aiment ce message
guilhon Pro !
Sujet: Re: La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique Lun 18 Juil 2022 - 6:48
superbe film
Dakota27 enregistré
Sujet: Re: La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique Lun 18 Juil 2022 - 9:16
Depuis des décennies, je ne me lasse pas de regarder ce film sur la fin de la guerre d' Indochine, il est d' un réalisme incroyable, les dialogues sont précis, concis comme l'est le langage militaire, bref un chef d'œuvre sur la vie en opération en temps de guerre !!!
cayez confirmé
Sujet: Re: La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique Lun 18 Juil 2022 - 10:38
Bonjour
Un film réaliste qui prends aux tripes La couleur noir et blanc donné une valeur de documentaire
le 6 aime ce message
Pérignon Expert
Sujet: Re: La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique Lun 18 Juil 2022 - 16:43
Magnifique film en effet, et si j'en ai apprécié les éloges (et les photos !) dans l'article cité par Claude, j'ai en revanche beaucoup moins goûté les critiques acerbes sur l'armée et sur le personnage du S/Lt Torrens qui dénotent une méconnaissance profonde de ce que furent ces soldats, leur psychologie et la guerre qu'ils menèrent.
Outre des erreurs ou omissions ( "bataillon" pour section, Viet-Cong pour Vietminh, "échauffourées" pour accrochages (la guerre, ce n'est pas une bagarre de pochetrons à la sortie d'un pince-fesses), la "patrie inaccessible" (pour ne pas dire qu'elle se foutait de cette guerre et que les cocos sabotaient les armes et tabassaient les blessés de retour d'Indo), les critiques appuyées sur le S/Lt Torrens sont excessives et font mal.
Ce jeune officier tout juste sorti de Saint Cyr qui pète le feu, a l'enthousiasme de ceux qui en 1914 chargeaient en casoar et gants blancs : c'est beau, ça a de la gueule, mais ça se termine mal ! "Etre et durer", ils ne connaissaient pas encore. Torrens commet des erreurs en ayant certes le tort de ne pas écouter son adjoint. Il le fera, mais trop tard, alors qu'une amitié naissante prenait forme entre le jeune officier de 22 ans un peu chien fou et le vieux briscard expérimenté. Non Torrens n'est pas un soldat de paccotille, il apprend ce qui ne s'enseigne pas en école (la démonstration de Willsdorff sur le pourquoi de sa récupération risquée du FM est un modèle du genre), mais le destin ne lui laissera hélas pas le temps de devenir l'un de ces excellents officiers qui 8 ans après, ou quittèrent l'Armée ou partirent en prison.
Quant enfin on lit à la fin de cet article (qui pourrait avoir été écrit par un membre de l'Unef ayant obtenu à l'usure une licence de psycho à la fac de Nanterre) :" Uniquement là pour répondre aux ordres d’une hiérarchie toujours invisible, ils ne savent ni comment, ni pourquoi continuer de se battre.", on peut affirmer sans se tromper qu'il n'a jamais entendu parler des "volontaires d'un saut" , ceux de toutes armes et de tous grades qui sachant la partie perdue, se portèrent volontaires pour être parachutés de nuit dans la fournaise de Dien Bien Phu, simplement pour aller aider les copains !
Dans les années 1970, la 317ème section était projetée pendant leur scolarité aux élèves officiers de Coëtquidan (et peut-être aussi dans d'autres écoles comme l'EAI de Montpellier ?) Depuis ?
FOUQUET66, le 6, jacky alaux et Dakota27 aiment ce message
claude millet Fondateur
Sujet: Re: La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique Mar 19 Juil 2022 - 11:54
Autre commentaire, d'un camarade parachutiste:
Citation :
Bonjour ,
Merci de votre envoi
La 317° est un classique que les anciens militaires apprécient généralement .Moi le premier .
L' analyse que vous en faites me dérange un peu .Il y a trop de considérations doctrinaires voire politiques...En plus il date ...acceptable pour l' ALGERIE il ne l' est plus pour la génération OPEX .
Cette opposition Jeune Officier chef de Section -Sous Officier Adjoint un peu ancien ,est porteuse d'une part de démagogie .Chaque rôle y est caricatural
On pourrait en parler pendant des heures ..J' ai tenu les deux rôles ...
Amitiés parachutistes
le 6 Expert
Sujet: Re: La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique Mar 19 Juil 2022 - 15:11
!! Ce " commentaire " émane d'un Ancien ?
La 317ème section est une réussite esthétique, mais surtout idéologique