La « rentrée parlementaire » : un saut dans l’inconnu ?
Quand vous lirez ces lignes, nous serons en pleine « rentrée parlementaire ». Le mot rentrée, jadis, ne s’appliquait qu’au monde scolaire et marquait le retour des élèves dans les classes après les congés d’été que l’on nommait « les grandes vacances ». Aujourd’hui, ce terme s’applique à toutes les catégories de la société, chacune effectuant « sa rentrée », et donc, en particulier, à la classe politique et au Parlement. Il est temps, en effet, que le calendrier politique « normal » reprenne ses droits car, depuis l’élection présidentielle d’avril et les élections législatives de juin, nous avons assisté à une foire d’empoigne parlementaire qui n’a, en aucune façon, éclairci le débat. Quel sera le cap poursuivi lors de ce nouveau quinquennat alors que nous sommes, sur fond de guerre, au bord de l’inconnu ? Ainsi, souvenez-vous : « Nous allons entrer dans un monde nouveau. Rien ne sera plus comme avant ». Voici le leitmotiv que des oracles autoproclamés nous ressassaient à l’envi, en 2020 et 2021, à longueur de confinements. Parmi eux, nombreux étaient les laudateurs de la mondialisation, du libéralisme effréné, du supranationalisme européen qui, devenus les émules des devins de la mythologie grecque, n’avaient pourtant jamais envisagé que le monde dans lequel ils se complaisaient puisse un jour disparaître. Mais, à la vérité, ces pythies se trompaient. Après la pandémie qui, bien qu’atténuée, est toujours active, nous ne sommes pas entrés dans un nouveau monde, mais dans le monde ancien, celui de la guerre, d’une politique internationale faite de sanctions et de rétorsions, d’une résurgence « du sang, de la sueur et des larmes ». Après avoir subi les effets destructeurs du productivisme et de la marchandisation, nous allons devoir nous réapproprier notre autonomie dans de nombreux domaines à commencer par notre capacité à nous protéger et à nous soigner, mais aussi à nous alimenter, à nous chauffer et à faire tourner nos usines sans dépendre de l’approvisionnement en matières premières ou en énergie de l’étranger. Il nous faut entrer dans une véritable économie de guerre et pratiquer un retour à une souveraineté nationale « à l’ancienne » qui devra s’accompagner, bien évidemment, d’un contrôle aux frontières. Il faudra aussi reconquérir une complète indépendance dans les domaines militaire et diplomatique ce qui loin d’affaiblir notre pays lui permettra, au contraire, de mieux faire entendre sa voix dans le concert des nations. Seuls des projets communs avec des alliés européens sûrs devront être privilégiés. Cela est d’autant plus prégnant que le conflit de haute intensité, tel que nos penseurs éclairés disaient qu’il n’en existerait plus jamais, qui a surgi en Ukraine, fait renaître la Guerre froide. Il faut donc d’urgence relocaliser sur notre territoire toutes les industries concourant à un contrôle national sur les secteurs vitaux pour la vie de la Nation et sa défense, comme les médicaments, l’énergie, la libre utilisation des moyens et infrastructures de transport et l’industrie d’armement. C’est dans le domaine militaire qu’il faudra faire feu de tout bois en procédant à un réarmement massif de notre pays. En effet, aujourd’hui, notre armée est en situation de faiblesse ce qui la rend incapable de mener seule une opération militaire dans la durée contre une puissance régionale. Or, beaucoup de pays qui comptent dans le monde renforcent leurs moyens militaires et nous redécouvrons, à l’occasion de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, que ce sont toujours les rapports de force qui régissent les relations internationales. Dans l’affaire ukrainienne, le combat de haute intensité auquel nous assistons avait été pressenti par le chef d’état-major des Armées qui ne cesse de répéter qu’il faut être capable de « gagner la guerre avant la guerre ». Cette forme de dissuasion « classique » nécessitera de notre part un effort considérable comme ce fut le cas pour la mise en place de notre dissuasion nucléaire dans les années soixante. C’est bien là, aussi, un retour au monde d’hier où, au sortir de la Guerre froide, l’Occident a gagné la 3e guerre mondiale de la meilleure façon qui soit, c'est-à-dire en ayant évité de la faire, mais après avoir consenti de très importants efforts pour sa défense. Faute de n’avoir pas, collectivement, poursuivi cet effort après l’effondrement de l’URSS et afin d’engranger au plus vite « les dividendes de la paix », nous demeurons aujourd’hui tétanisés devant le président russe qui, lui, dans une situation économique plus défavorable que la nôtre, a fortement augmenté le budget destiné à ses armées. Dans son allocution du 14 juillet dernier, le président de la République, chef des Armées, s’est engagé à consentir l’effort nécessaire : dont acte. Mais, nous aurions préféré que les faits ne nous donnent pas raison et que cet effort fût engagé plus tôt.
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