Le nouveau bombardier furtif américain B-21 réalise son vol inauguralPar Alexis Feertchak
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Premier vol du B-21 Raider dans le ciel de Californie. Capture d'écran - Twitter
Le «Raider», conçu par Northrop Grumman, sera l’une des clés de voûte de la dissuasion nucléaire américaine. L’aile volante a volé pour la première fois vendredi 10 novembre dans le désert de Mojave en Californie.
Les images de l’aile volante, comme forgée dans un même bloc de matière, quasiment sans la moindre surface plane, glissant dans le ciel bleu du désert de Mojave en Californie, pourraient presque sortir d’un film de science-fiction. Elles ont pourtant été prises vendredi 10 novembre, à proximité de l’Air Force Plant 42, un site militaire de l’US Air Force basé à Palmdale, destiné au développement et aux essais des programmes les plus avancés des forces aériennes américaines.
C'est naturellement de ce lieu que le nouveau bombardier stratégique furtif américain B-21 «
Raider», conçu par Northrop Grumman, a effectué son vol inaugural, en vue d'une entrée en service vers 2027. L'US Air Force compte en acquérir «
au moins une centaine» pour remplacer les bombardiers B-1 Lancer et B-2 Spirit. «
Il sera dual», précise sur X Hans Kristensen, directeur du Nuclear Information Project et chercheur à la Federation of American Scientists (FAS), en référence à sa capacité à déployer des armes conventionnelles ou nucléaires. Le B-21 a été révélé au public le 2 décembre 2022 par l’US Air Force. HANDOUT / AFP
On sait peu de choses du projet B-21, issu du programme «
Long Range Strike Bomber» (LRS-B).
À l’image du B-2 dont il partage l’apparence générale, il s’agira d’un bombardier lourd, furtif et à long rayon d’action, décrit par le constructeur comme le «
premier avion de combat au monde de sixième génération», classification en réalité assez artificielle qui ne dit pas grand-chose des caractéristiques de l’avion, encore classifiées. Le PDG du groupe Kathy Warden a néanmoins expliqué que le bombardier aurait des dimensions réduites et une portée accrue par rapport au B-2, appareil particulièrement lourd (jusqu’à près de 160 tonnes avec ses bombes), large (50 mètres d’envergure) et capable de couvrir un rayon d’action de 11.000 kilomètres (soit la distance entre New York et Pékin).
Le B-2, aile volante furtive aux airs déjà futuristes. WIN MCNAMEE / Getty Images via AFP
«Comme un sac en plastique plat et gonflé»
Rien n’a filtré sur sa vitesse, mais il sera certainement subsonique (en dessous de la vitesse du son, NDLR) comme son grand-frère, lui aussi produit au Air Force Plant 42 et dont le premier vol avait eu lieu en 1989. Il aura donc une conception très différente du B-1, qu’il remplace aussi, mais qui est un bombardier supersonique, ayant réalisé son premier vol en 1974 et disposant d’une aile à géométrie variable. Entre la vitesse et la furtivité, ce sont deux philosophies différentes qui fonctionnent rarement de concert. Le B-21, avec sa conception en «
aile volante» (l’aéronef est composé d’un bloc, sans fuselage ni empennage, NDLR), tient sans conteste de la seconde. «
À la lumière du soleil, la surface du B-21 semble être continuellement courbée. Un peu comme un sac en plastique plat et gonflé», décrit Hans Kristensen. Sur la vidéo du vol, seule la soute à armement paraît plane.
Un B-1 Lancer en exercice en Norvège le 30 octobre 2018. JONATHAN NACKSTRAND / AFP
Les ailes volantes sont aussi célèbres que rares dans le monde de l’aéronautique. Le B-2 était jusqu’à présent le seul avion militaire de série à appartenir à cette catégorie, rendue célèbre par les bandes dessinées de Blake et Mortimer. Ce sont des ailes volantes rouges qui servent de bombardiers à l’empire maléfique de Basam-Damdu dans
Le secret de l’Espadon (1946-1949). En réalité, Edgar P. Jacobs s’est surtout inspiré du Horten Ho 229, prototype d’aile volante lancé par l’Allemagne nazie dans l’objectif d’atteindre le territoire américain, sans succès même si son premier vol a pu avoir lieu en 1944.
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Les Russes, eux aussi, développent une «aile volante», le Soukhoï S-70 Okhotnik-B. Ce drone lourd dérivé du nouveau chasseur Su-57 a effectué son premier vol en 2019 et pourrait entrer en service dans la deuxième moitié de la décennie.
Quant à la Chine, elle développe elle aussi des «ailes volantes», avec un chasseur d’un côté et un bombardier lourd de l’autre, qui pourrait beaucoup ressembler au B-21. Reste à voir combien coûtera cet avion américain hors norme : son coût unitaire s’élève déjà à 700 millions de dollars, mais les dépenses du programme ont déjà fortement augmenté par rapport au budget initial.
Les trois bombardiers américains B-1, B-2 et B-52 volent ensemble le 7 février 2021 en Floride. CHANDAN KHANNA / AFP
Son grand-frère le B-2 reste à ce jour l’avion le plus onéreux au monde, avec un coût unitaire de deux milliards environ, raison pour laquelle les Américains n’en ont finalement produit que 21, au lieu d’une centaine. Le B-21 connaîtra-t-il une telle évolution ? En attendant, si cet aéronef aux formes futuristes remplacera les B1 et B2, il n’enterrera pas le plus vieux des bombardiers américains, le vieux B-52 qui a effectué son premier vol en 1952, il y a plus de 70 ans... Simple, rustique et efficace, le Stratofortress devrait rester en service jusque dans les années 2050 et devrait ainsi devenir centenaire.