Guerre des mines en Corée
Suite de la première partie
- À bord du LA GRANDIÈRENous pûmes voir un bâtiment US qui avait sauté sur une mine et constater de visu ce qu'une mine peut causer comme dommages à un bateau. C'était
probablement l'USS BRUSH (DD745). La proue était détruite. Un de nos
marins se rappelle parfaitement de ce qu'il a vu: "...tout l'avant y
compris la première tourelle avait disparu, comme coupé à la scie.
Cependant le bateau avançait à petite vitesse par ses propres moyens.
La poupe se dressait en l'air et les hélices étaient quasiment hors de
l'eau..."
Un autre ajoute: "Il y avait de nombreuses victimes,
peut-être une cinquantaine... et je crois qu'il y avait au moins cinq
marins tués... C'était tout à fait possible, car comme dans notre
Marine, les postes d'équipage sont placés à l'avant des bateaux, non
loin des soutes... Dieu ait leur âme!"
- À bord du MOUNTS BAYLes
mêmes bâtiments qui avaient été affectés à des missions de protection
dans l'écran au large d'Inchon se retrouvèrent presque tous dans le
Groupe de dragage de mines TG 95.6 sous le commandement du CV Richard
T. Spofford USN. On revoit donc le MOUNTS BAY, son inséparable
compagnon français LA GRANDIÈRE, le WHITESAND BAY, le PUKAKI, le TUTIRA
et deux nouveaux dragueurs ROK.
Après avoir refait les pleins, nous
voilà partis en patrouille avec le ROK 502 dans les innombrables ilôts
et dans les baies à la recherche des jonques et sampans mouilleurs de
mines. À 2h 30 le 2 octobre, le radar du MOUNTS BAY décèle un "putois"
(objectif non identifié) qui ne répond pas à nos signaux. Nous
rapprochant de l'objectif, une jonque, nous lui ajustons un tir dans la
proue, la forçant à stopper. L'interrogatoire de l'équipage ne se
révèla pas fructueux compte tenu de l'obstacle du langage. Nous prîmes
donc la jonque en remorque et, le lendemain, elle fut remise aux mains
du ROK 502 pour plus amples investigations. En fait, nous n'eûmes
pratiquement jamais affaire à des unités navales Nord-Coréennes, par
contre les batteries côtières étaient un gros problème et la menace des
mines soviétiques, mouillées ou flottantes, allait sans cesse en
grandissant. Le 10, nous rentrâmes de patrouille pour aller nous
amarrer à couple de l'USS PIEDMONT, bateau atelier ancré au large
d'Inchon, pour refaire nos pleins.
- À bord du LA GRANDIÈRELa
routine de notre patrouille fut interrompue le 2 octobre. Nous allâmes
mouiller au large de Wolmi Do et reçûmes la visite du CA L.A. Thackrey
USN, commandant des forces amphibies d'Extrême-Orient, TF 90. Sa visite
était une de ces nombreuses visites d'officiers de haut rang que nous
eûmes durant l'opération.
(
Addition
de l'auteur: Le bateau Français recevait fréquemment en effet de
nombreuses visites d'Officiers Généraux ou Supérieurs, souvent flanqués
d' impressionnants États-Majors. Le LA GRANDIÈRE était rapidement
devenu célèbre dans toute la Mer Jaune de par l'excellence de la cave
de son commandant le CF Urbain Cabanié FN. Avec tout le respect dû à
tous ces hauts gradés RN, USN ou USMC ainsi qu'à leurs suites, je me
dois de signaler quand même que nous avions à bord du LA GRANDIÈRE une
équipe parfaitement entraînée pour accompagner en toute sécurité nos
visiteurs dans leur descente périlleuse de notre échelle de coupée vers
leurs vedettes, les conditions atmosphériques devenant souvent
soudainement mauvaises dans ces mers lointaines... Non publié... )
Le
LA GRANDIÈRE reprit la mer le 6 octobre. Après trois jours de
patrouille, nous fûmes rejoints par le MOUNTS BAY ayant un interprète
coréen à bord. Les gens du MOUNTS BAY avaient en effet fini par
résoudre leurs problèmes d'interrogatoire des équipages de bateaux
suspects en embarquant des interprètes. Ils désiraient nous faire
profiter de leur idée et, par cable, avec la poste, ils nous
transférèrent un Coréen, par dessus les eaux tumultueuses brassées par
les deux bateaux marchant plein pot bord à bord...(opération jack
stay). Après ce voyage effrayant, le brave homme dut prendre le temps
d'arrêter ses tremblements avant de se présenter comme étant Ingénieur
Météo dans le civil. Par la suite il nous raconta la terrible vie en
Corée du temps de la colonisation japonaise et après l'arrivée des
forces communistes. C'était un gars vraiment amical et intelligent qui
fut rapidement adopté.
Pendant cette période, nous ne cessions
d'avoir des alertes aériennes quasiment tous les jours, mais jamais une
menace d'attaque par un quelconque avion ne se matérialisait. En fait,
ces alertes provenaient d'appareils amis qui décollaient de l'aéroport
de Kimpo récemment reconquis, et qui survolaient notre zone en omettant
de déclencher leur répondeur I.F.F. (Interrogation Friend or Foe). Ces
oublis faisaient que les bâtiments se tenaient constamment en alerte et
maintenaient pour rien leurs équipages aux postes de combats. Après
avoir ainsi répondu inutilement à quantité de fausses alertes, les
équipages devinrent quelque peu démotivés. Mais un jour, nos canonniers
furent vraiment très surpris quand le LA GRANDIÈRE fut tout à coup
sauté par un MiG. Un de nos Marins se rappelle bien la situation: "
Ce
fut si soudain, et dans le labyrinthe des îles le radar était peu
fiable. Le MiG a sauté littéralement le bateau, frôlant le mât.
Complètement surpris, nous avons rapidement tourné toutes nos pièces en
entendant à nouveau un grondement de réacteurs allant en s'amplifiant.
Les
40mm et les 20mm commencèrent à aboyer quand l'objectif surgit au ras
de l'eau, azimuth zéro. Mais la vitesse angulaire était telle que les
avions ne furent pas touchés. Heureusement car c'était deux chasseurs
US, peut-être bien de tous nouveaux F-86 Sabre il m'a semblé."
"
Non publié
: Une seconde plus tard, les Yankies se mirent à débiter des obscènités
à notre endroit à la radio, je ne vous dis pas! À tel point que nous
avons regretté de leur avoir envoyé La Fayette! Mais on a fait comme si
on avait rien entendu. Mieux vaut être sourd dans ces cas là."
Peu
de temps après, les Yankies semblaient avoir repèré leur MiG à nouveau.
Et c'était intéressant de les écouter s'interpeller à la radio en
essayant de coincer leur proie.
Le 14 octobre, le LA GRANDIÈRE
alla mouiller devant Inchon. Les objectifs et la stratégie navals
devaient être à nouveau examinés, entraînant la réaffectation du groupe
de guerre des mines TG 95.6. Les opérations de dragage dans cette zone
n'avaient plus lieu d'être grâce, notamment, à l'efficacité des
dragueurs de mines ROK (Sud-Coréens) et US qui y avaient opèré. Le
MOUNTS BAY fut renvoyé à des tâches générales et d'escorte et notre LA
GRANDIÈRE reçut la mission de participer à la protection d'un second
débarquement à Wonsan sur la côte Est. Le 16, les plans de ce
débarquement furent donc présentés par le nouveau Commandant en Chef de
la Task Force 90, le CA J.H. DOYLE USN, à bord du navire amiral USS
MOUNT MC KINLEY (AGC 7). Le LA GRANDIÈRE appareilla le 17 octobre avec
quatre autres frégates (WHITESAND BAY, MORECAMBE BAY, PUKAKI et
TUTIRA), escortant cinq gros transports avec une Brigade de MARINES à
bord. Notre route nous mena à travers le Détroit de Corée dans la Mer
du Japon et nous étions à l'entrée du chenal menant à Wonsan pour le
21. Malchance, le chenal était là aussi sévèrement miné, et deux
dragueurs US y avaient sauté et coulé le 12, l'USS PIRATE (AM275) et
l'USS PLEDGE (AM277) ! Notre convoi reçut l'ordre de rester en pleine
mer. Le débarquement était différé. La baie de Wonsan était
impraticable et couverte de mines soviétiques... Nous maintîmes notre
position jusqu'au 25 quand enfin notre convoi reçut l'autorisation de
poursuivre sa route dans le chenal, le LA GRANDIÈRE ouvrant la marche (
ben donc... Non édité...).
Nous naviguions à petite allure, ralentissant encore plus et même
stoppant quand il apparaissait qu'une mine puisse nous menacer.
"
Sur la passerelle, nous étions tous inquiets, et même angoissés, se rappelle un de nos 'tim'.
J'étais
de quart, à bien surveiller s'il n'y avait pas de mine dérivante quand
tout à coup j'en vis une en surface à travers mes binoculaires, dansant
gentiment dans la houle par tribord. Le convoi était bien en ligne
derrière nous. J'interpelle l'Officier de Quart : 'est que vous voyez
ce que je vois Lieutenant?' Il me répond que c'était la deuxième qu'il
apercevait sur les deux ou trois nautiques parcourus, et, à ma grande
surprise, me dit de me tenir tranquille et de ne pas donner l'alarme.
'Comprenez-vous mon gars, si les transports de troupes apprennent qu'il
y a des mines devant, ils peuvent prendre peur et attendre là que le
chenal soit à nouveau déminé. De toute façon cette mine là est trop
loin pour qu'on puisse la tirer. Alors on la boucle... OK?' Je suis
retourné à mon poste de veille, faisant une prière à Dieu que s'il y
avait encore une de ces putains (Non édité!!) de mines devant,
quelqu'un puisse la voir à temps...!"
Grâce aux dragueurs
US et ROK la zone fut finalement suffisamment sécurisée pour que les
MARINES puissent débarquer sans opposition de l'ennemi car, le port
était déjà investi par les forces amies. Ce grand port au Nord du 38ème
parallèle était tombé aux mains des Forces Sud-Coréennes qui y
attendaient le reste du "X Corps". Le débarquement de Wonsan tournait
court, à notre grand embarras à tous. Le même jour le LA GRANDIÈRE et
les autres frégates s'en retournèrent vers Sasebo. Nous fûmes rejoints
à la mer par le MOUNTS BAY et nous arrivâmes le 27 octobre. Le LA
GRANDIÈRE avait passé quarante sept jours en mer sans discontinuer et
sans toucher terre.
Il faisait froid et il neigeait....
Le
LA GRANDIÈRE resta à Sasebo jusqu'au 15 Novembre. Les opérations
navales étaient au point mort et les Forces de l'ONU avaient
progressées bien au delà du 38 ème parallèle: l'ennemi semblait
complètement battu. Une dernière mission nous fut assignée: le 17
novembre, nous appareillâmes pour Chinampo au Nord du 38ème parallèle
sur la côte Ouest, avec une quarantaine de Marins américains. Chinampo
est le port de Pyongyang, capitale de la Corée du Nord, sur l'estuaire
de la rivière Taedong... Le 19, le LA GRANDIÈRE mouillait devant le
port pour y débarquer ses passagers. C'est pendant la nuit du 21
novembre que nous reçûmes un message de l'Amiral F.M.E.O. le LA
GRANDIÈRE devait revenir en Indochine suite au désatre de Cao-Bang.
C'est
ainsi que se termina la représentation navale Française dans les eaux
Coréennes et notre participation dans ce qui allait devenir:
"The Forgotten War" (la Guerre Oubliée).
LA PAIX A UN PRIX
Freedom is not free
NOS NATIONS RENDENT HOMMAGE
À LEURS FILS ET FILLES EN UNIFORME
QUI RÉPONDIRENT À L'APPEL DE LEURS PATRIES
POUR ALLER DÉFENDRE UN PAYS QU'ILS NE CONNAISSAIENT PAS
ET UN PEUPLE QU'ILS N'AVAIENT JAMAIS RENCONTRÉ
(Présidents Clinton et Kim Young-sam, paraphrase. Inauguration du Memorial aux Combattants de Corée,
Washington D.C., 25 juillet 1995)
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Addition de l'auteur:
Revenus à Sasebo, nous fîmes nos adieux aux bâtiments présents par une
réception donnée par les Britanniques sur le HMS LADY BIRD le 24
novembre et sur le LA GRANDIÈRE le 25. Les gars du MOUNTS BAY nous
annoncèrent qu'ils s'en retournaient à Hong Kong. Le même jour, nous
appareillâmes pour Yokohama pour y mouiller le 28. Le lendemain, nous
avons participé à une réception donnée en l'honneur du LA GRANDIÈRE à
l'Ambassade de France à Tokyo, en présence du VA Joyce USN, Commandant
en Chef des Forces Navales des Nations Unies, et des délégations de
tous les pays qui combattaient au côté des États-Unis dans cette
guerre. C'est là que nous apprîmes que, deux jours auparavant, 500.000
soldats chinois avaient traversé la frontière Nord Coréenne et
bousculaient le dispositif de l'ONU. La guerre sur terre
recommençait... Nous avons pris la mer le 1er décembre 1950 pour
atteindre Saïgon le 10. C'est peu après que nous devions appareiller
pour le Tonkin et le Nord de la baie d'Along assurer l'appui feu au
'chapeau chinois'...
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Le Bataillon Françaisavait débarqué à Pusan le 29 Novembre 1950 pour être intègré au 23ème
Régiment de la Seconde Division d'Infanterie US et y combattre jusqu'à
la fin des hostilités en Juillet 1953.
Effectifs engagés en Corée: 3.421 - Tués au combat: 287 - Blessés:1.350 - Disparus:7- Prisonniers: 12
Parmi ces tués, Philippe COLLEMANT, Frère de Dominique COLLEMANT
La Grandière: 143 Marins du 8 Juillet au 30 Novembre 1950 - Tués: 2, Rivière de Saïgon, avant le départ pour la Corée.
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Léon C. ROCHOTTE, Ancien Représentant MARINE au Conseil National de l'A.N.A.F.F. ONU - R.C.
(Association Nationale des Anciens des Forces Françaises de l'O.N.U. et du Régiment de Corée)
Membre et webmestre de l'Union des Marins de Lorraine (U.M.L.)
Member of the British Korean Veterans Association (B.K.V.A.) South London Branch
Publications
d'origine en anglais dans "MINEWAR NEWS" (Octobre 1998) US Navy,
Editeur: Frank Gregory, N.S.W.C. Panama City, Fa., USA
INTERNET : English http://web.meganet.net/kman/nfleon.htm . Thanks to my friend Karl Kristiansen USS MANSFIELD DD 728
http://assoc.orange.fr/france-coree/eurokorvet/uk/minewarfare_korea . L.Rochotte's personal website
Français : NETMARINE http://www.netmarine.net/forces/operatio/coree/mines01.htm merci au LV Jean-Michel ROCHE