Communication du général Henri
Pinard Legry Président de l'ASF à l'occasion de notre dernier Conseil d'Administration pour l'année 2009
Lettre de l’ASAF 09/06« Ne pas subir » (Maréchal Jean de LATTRE de TASSIGNY) « Le politique, le juge et le soldat »
Une plainte contre X pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui » a donc été déposée par un avocat à la demande de proches de deux soldats tués le 18 août 2008 lors d’un accrochage entre forces françaises et insurgés afghans dans la région d’Uzbeen.
Cette action juridique qui concerne une action de guerre, ne vise pas les rebelles qui auraient, selon certaines sources, égorgé des soldats français blessés, mais des officiers français qui seraient responsables de la mort de leurs soldats.Ainsi, cette guerre est effectivement asymétrique y compris dans des aspects les plus imprévisibles.
Les familles, dont nous comprenons la peine, attendent-elles que le juge démontre que les sections devaient manœuvrer de telle façon plutôt que de telle autre, qu’un tir de mortier aurait sauvé leur fils ou mari, alors qu’ils étaient au contact des talibans ? On imagine aisément l’impossibilité d’un tel exercice sans demander aux rebelles de participer à la reconstitution et ce, avec munitions réelles pour juger de la pertinence des tirs d’appui!
Quelques jours après avoir célébré l’anniversaire de l’armistice, on ne peut s’empêcher de penser à ce qu’auraient été les conséquences de telles démarches en 1914 !
Cette action judiciaire n’est pourtant pas une première. Elle fait suite à de nombreuses plaintes contre X déposées au lendemain de la guerre du golfe par des soldats ayant participé à l’opération Daguet. Elles ont conduit, 17 ans après les faits, une dizaine de généraux, à l’époque commandants de régiments, a être interrogés chacun pendant une journée à propos -entre autres faits évoqués - d’un hypothétique passage de leurs unités, sous un nuage chimique causé par la destruction d’un dépôt par les Américains lors de l’offensive en Irak!
Notons que le Ministère de la Défense n’a pas été informé préalablement du dépôt de ces plaintes.
Ces plaintes s’ajoutent à celles déposées en 2005 par des rwandais contre les forces françaises pour "complicité de génocide et crimes contre l'humanité", accusations reprises l'an dernier par le gouvernement de Kigali.
Dans ces trois cas, il devient maintenant indispensable et urgent que les autorités politiques assument clairement leurs responsabilités et lèvent définitivement les ambiguïtés et suspicions éventuelles qui pèsent sur les armées.
S’agissant du Rwanda, il est du devoir du Président de la République française, chef des armées, de rejeter formellement ces accusations, de déclarer officiellement que les opérations menées par les armées étaient conformes aux décisions de la France et d’assurer les soldats français qui ont participé à l’opération Turquoise de la reconnaissance et du
soutien de la Nation.
De même le chef de l’Etat doit faire cesser au plus vite la procédure relative à l’opération Daguet d’autant plus que les responsables militaires auditionnés se trouvaient, au cours des combats, soumis aux mêmes risques chimiques que les plaignants.
Enfin, pour l’Afghanistan, il doit souligner que les décisions prises sur le terrain lors de ce combat ne relevaient pas de la même logique que celles prises en France à l’entraînement en temps de paix.
Si de telles démarches juridiques devaient se prolonger et se multiplier, elles risqueraient de conduire à une neutralisation de notre armée, où la prise de risque sera remplacée par le principe de précaution dont on sait qu’il est impossible à garantir lors des opérations de guerre.
Tout se passe comme si le recours systématique à la justice devenait une arme supplémentaire offerte à nos adversaires, les encourageant même à tuer nos soldats quel qu’en soit le prix à payer.
Il faut donc que les responsables politiques expliquent à la nation que les opérations de guerre qu’ils décident visent certes, à terme la paix, mais ne doivent plus être confondues avec des actions de paix dans lesquelles les règles juridiques du temps de paix s’appliquent. En effet, comment engager des hommes au combat, sans mettre en danger leur vie ?
C’est l’essence même de la guerre de décider et d’agir dans un environnement qui n’est jamais parfaitement connu et où le but premier de l’ennemi est de tuer.
Il faut enfin que les Français et surtout les familles de militaires comprennent et acceptent que « les soldats sont de perpétuels errants dont le destin matériel et moral n’est assimilable à aucun autre ».