SUD OUEST 20 septembre 2010 07h11 | Par Pierre Tillinac
Le 13e dragons de Dieuze se prépare à succéder au régiment du train de Souge (33), qui part à Nîmes. Une très discrète unité d'élite membre des forces spéciales.
Le 13e dragons de Dieuze (Moselle) est en permanence partout dans le monde. PHOTO DR
Une grosse tache noire. En pleine nuit, tous feux éteints, l'hélicoptère s'immobilise à une vingtaine de mètres au-dessus du sol. Des ombres glissent le long d'une corde invisible. Pour les six équipiers qui viennent de mettre pied à terre, les heures qui viennent vont être difficiles.
Les sacs qu'ils portent sur le dos pèsent entre 60 et 80 kilos. Ils embarquent du matériel et des vivres pour plusieurs jours. Ils savent précisément où ils doivent aller. Ils marchent la nuit, se cachent avant le lever du soleil. Ils ont appris par cœur le chemin à suivre. Il coupe à travers champs et forêts.
Maintenant, ils creusent. Ils vont s'enterrer et vivre sans mettre le nez dehors durant une semaine ou davantage. Chacun son travail. Les observateurs vont surveiller une zone, prendre des photos. Les autres membres de l'équipe ont pour mission de traiter et de transmettre les informations recueillies.
Actions chirurgicales
L'enfouissement est la « marque de fabrique » du 13e régiment de dragons parachutistes. Cela date de la guerre froide. À l'époque, ils se préparaient à surveiller l'avance des troupes du pacte de Varsovie en cas d'agression. Ils étaient censés s'enfoncer dans la terre pour suivre les mouvements ennemis et renseigner les alliés.
Aujourd'hui, ils sont toujours capables de s'enfouir sans aucun risque de se faire repérer mais ils ont acquis d'autres savoir-faire. « Nous occupons un segment bien précis dans le monde du renseignement, souligne un officier supérieur, adjoint du chef du bureau des opérations. Nous avons deux employeurs : la Direction du renseignement militaire et le Commandement des opérations spéciales. Notre mission est de fournir du renseignement au profit des forces spéciales françaises, dont nous faisons partie depuis 2003. »
Leurs spécialités, ce sont les « cibles à haute valeur ajoutée » et les actions chirurgicales. Ils peuvent sauter de nuit sous oxygène à 8 000 mètres d'altitude pour se laisser dériver très loin derrière des lignes ennemies. Objectif : rejoindre une zone à partir de laquelle ils pourront assurer le guidage d'un missile tiré d'un avion. Ils ont été très présents dans l'ex-Yougoslavie pour retrouver la trace des criminels de guerre recherchés par la justice internationale. Ils sont extrêmement actifs à chaque fois que les forces armées françaises sont sur le terrain. En 2009, deux dragons ont péri noyés au cours d'une opération nocturne en Afghanistan. La même année, cinq autres soldats du régiment ont été tués dans un accident d'hélicoptère au large du Gabon, au cours d'un exercice binational.
Pas des « James Bond »
Le « 13 » est en fait engagé en permanence un peu partout dans le monde et, chaque fois qu'un pays entre en crise, il y a de fortes chances que ses « équipiers » soient sur place ou pas très loin. Bien sûr, cela n'est jamais dit officiellement.
Le monde du renseignement cultive la discrétion. « Ce qui nous différencie des services secrets, c'est que nous sommes toujours en uniforme », précise le colonel François Pinczon du Sel, chef de corps du régiment. Un principe qui tolère toutefois quelques exceptions, puisque dans certains cas ils sont autorisés à travailler en civil.
Ils ne veulent pourtant pas être pris pour des James Bond, même s'ils ont à leur disposition toute sorte de matériel très sophistiqué. Certains équipements sont mis au point directement par une cellule spécialisée au sein du régiment. « Nous savons aussi travailler avec des systèmes beaucoup plus rustiques. Quand il faut transmettre une information, on ne peut pas se permettre de ne rien faire sous prétexte qu'on se trouve dans une zone d'ombre. Il faut que ça passe, même en mode très dégradé. »
La plupart de ces techniques de renseignement et de transmission sont maîtrisées par tous les « équipiers », qui suivent une difficile formation initiale d'un an et demi avant d'être envoyés en mission pour la première fois. Si des différences existent entre les hommes, elles passent par les moyens utilisés pour l'infiltration. Les uns sont des experts des milieux aquatiques, les autres de la montagne, du désert ou du saut à très grande hauteur. Mais, quelle que soit leur spécialité, ils restent tout d'abord des techniciens du renseignement. L'opération qu'ils sont chargés de préparer peut en effet être réalisée par d'autres. Notamment le 1er RPIMa de Bayonne, avec lequel ils vont pouvoir s'entraîner plus régulièrement à partir de l'année prochaine.
Gironde