Dépêches 03/11/2010 à 23h39
Accusations du Canard enchaîné sur Sarkozy: l'hebdomadaire persiste et signe
Après le démenti de l'Elysée sur les informations du Canard enchaîné accusant Nicolas Sarkozy de superviser lui-même l'espionnage de journalistes, l'hebdomadaire a maintenu ses affirmations, que la majorité a balayées d'un revers de main mais qui ont provoqué l'inquiétude de l'opposition. (© AFP Emmanuel Dunand)
PARIS (AFP) - Après le démenti de l'Elysée sur les informations du Canard enchaîné accusant Nicolas Sarkozy de superviser lui-même l'espionnage de journalistes, l'hebdomadaire a maintenu ses affirmations, que la majorité a balayées d'un revers de main mais qui ont provoqué l'inquiétude de l'opposition.
"Ecoutez, l'Elysée peut dire ce qu'il veut, les sources du Canard sont bonnes et on ne se lance pas avec un titre comme ça sans biscuit", a déclaré à l'AFP Claude Angeli, directeur de l'hebdomadaire.
"Il est normal que Nicolas Sarkozy soit en colère, il est normal qu'il ait envie de savoir, mais de là à mettre le contre-espionnage là-dessus pour connaître les responsables des rumeurs visant son couple ou pour rechercher qui s'intéresse un peu trop aux rétro-commissions du Pakistan, à l'affaire Woerth-Bettencourt...", a-t-il dit à RTL.
L'Elysée avait qualifié les informations du Canard enchaîné de "totalement farfelues". Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, a déclaré à la sortie du Conseil des ministres qu'il s'agissait d'"allégations grotesques qui n'ont pas lieu d'être".
Pour le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, ce n'est "pas sérieux". "La DCRI, ce n'est pas la Stasi. Son rôle ce n'est pas de tracasser les journalistes mais de traquer les terroristes, ce à quoi elle se consacre totalement", a-t-il déclaré.
Dans la soirée, Bernard Squarcini, patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), le service accusé par le Canard Enchaîné de mener ces enquêtes, a affirmé à l'AFP qu'"il n'existe pas de cabinet noir à la DCRI". "Aucun groupe n'est chargé de s'intéresser aux journalistes" à la DCRI, a ajouté M. Squarcini, assurant qu'il étudie "la possibilité de déposer plainte pour diffamation" après la publication de "ces informations grotesques".
Nicolas Sarkozy "veut connaître les sources. Quand on enquête sur les sources, eh bien on tombe sur les journalistes et donc c'est de l'espionnage de journalistes, ce qui est formellement interdit par la loi française et par la Commission européenne", rétorque M. Angeli.
Pour le Syndicat national des Journalistes (SNJ, majoritaire chez les journalistes), "l'Elysée a parlé d'accusation +totalement farfelue+. Cette réponse n'est pas suffisante pour écarter des soupçons de plus en plus nombreux. Elle ne peut convaincre une profession dont la première mission est d'informer les citoyens".
A droite, on a rejeté les informations du Canard. Ce sont "des allégations", a dit le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé. Pour Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, "ce n'est pas la première fois que Le Canard enchaîné est pris en +flagrant délire+, il reste dans la même veine".
Cependant l'opposition a pris l'affaire au sérieux. "Nous ne portons pas d'accusation mais les révélations du Canard enchaîné sont extrêmement graves", a dit Marie-Pierre de la Gontrie, secrétaire nationale du PS aux libertés publiques et à la justice, demandant "qu'une enquête soit menée et que le patron de la DCRI soit entendu par la commission des Lois de l'Assemblée nationale".
Aurélie Filippetti, députée de Moselle et membre de la direction du PS, a estimé que le chef de l'Etat doit "s'en expliquer d'urgence". Les révélations sur l'espionnage de journalistes sont "très inquiétantes pour notre démocratie", a-t-elle dit.
Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, a demandé qu'une commission indépendante enquête au plus vite sur ces informations. "Ces révélations ne sont qu'un des multiples épisodes de la crise que nous vivons depuis cet été. A chaque fois que la presse révèle des faits graves sur des membres du gouvernement, ceux-ci se retranchent dans le déni ou le mensonge", a-t-elle noté.
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