Source : patrianostra.over-blog.com Vendredi 10 décembre 2010
Largage de paras à partir d'un Casa CN235.
Et dire qu'on entend encore, et qu'on lit encore, que l'école des troupes aéroportée de Pau (ETAP) va être privatisée ou confiée à des mercenaires ! Il est temps de faire le point sur ce dossier qui n'a rien de sulfureux.
Rappel des faits : Vitruve Defence and Security, une société française créée en 2009 et dirigée par Didier Raoul (un ancien du ministère de la Défense) a déposé une offre spontanée en début d'été. Vitruve propose de mettre à la disposition de l'école deux avions pour le largage des stagiaires. Il ne s'agit ni d'externaliser la formation ni de privatiser l'école mais d'éviter d'immobiliser les rares avions de l'armée de l'air (et pour Vitruve de travailler). D'ailleurs, l'armée française utilise déjà les avions de CAE Aviation pour des largages de personnels.
Le dossier déposé par Vitruve est actuellement à l'étude à la mission « achats » du SGA (secrétariat général à l'administration) ; une réponse pourrait intervenir en janvier. Si elle est positive, une évaluation préalable suivra. L'affaire est suivie par Xavier Gandiol, le responsable du pôle externalisation à la SGA.
Vitruve reste confiant, percevant des signaux positifs de la part des parlementaires et espérant trouver auprès d'Alain Juppé un interlocuteur ouvert au projet qui évitera à l'armée de l'air de détacher, chaque semaine, des appareils à Pau.
Sur le plan financier, Vitruve semble avoir atteint ses objectifs. L'entreprise a convaincu ses partenaires financiers : elle pourra donc acheter les deux avions dont elle aura besoin en cas de concrétisation de son offre, un achat estimé à une quarantaine de millions d'euros.
La société aurait, par ailleurs, bouclé une augmentation de capital de 12 millions d'euros, ce qui permettra d'assurer la pérennité de l'entreprise sur les 5 prochaines années. Une communication officielle devrait d'ailleurs être faite le 17 décembre.
Vitruve aurait, par ailleurs, d'autres projets (d'autres offres spontanées ?) qui s'adresseraient aux collectivités locales et au ministère de l'Intérieur.
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Mais au fait, qu’en pense l’Ecole ? Rencontre avec le Colonel de Bertier de Sauvigny qui commande aux destinées de celle-ci.
En poste depuis cet été, le colonel connaît cette "offre spontanée" qui va être étudiée par l’Etat-Major. Les décisions se prennent "en haut". Dans l’hypothèse où celui-ci souhaite aller plus loin, un marché public sera alors ouvert et soumis aux règles de la concurrence. Rien à signaler de plus si ce n’est que l’ETAP est déjà habituée aux externalisations avec l’entretien des bâtiments, des espaces verts et bientôt de la cantine. Les avions, pourquoi pas ? Tant qu’on ne touche pas au cœur de la mission de l’école qui est la formation elle-même.
Si l’ETAP ne possède pas ses avions en propre, l’armée de l’air lui en fournit tous les lundis matin, en provenance des bases de Chartres ou Evreux, pour les lui rendre les vendredis. L’ETAP ne court donc pas après des avions à demeure et, si pour une raison ou une autre, l’armée de l’air ne peut lui prêter d’avions, l’ETAP est déjà coutumière de la location d’avions au privé ; procédure qu’elle pratique avec régularité pour la location de Pilatus et de CASA 212. (ndlr : chez CAE Aviation ou Inter DZ à Lasclaveries). L’emploi d’avions du privé n’est donc pas une nouveauté pour l’Ecole. L’offre de VITRUVE DEFENCE & SECURITY de baser 2 avions en permanence en facturant 150 euros sera cependant analysée en "haut-lieu".
VITRUVE parle aussi de mettre en place une soufflerie qui est un moyen pratique d’initier les personnels. Reste à voir quel type de soufflerie ? "Entre une F1 et une Clio, il y a quelques différences...". Et puis, il y en a une en cours de réalisation, Flyzone, pas très éloignée puisque prévue à Lezignan Corbières. Coût prévisionnel : 4 millions d’euros.
L’ETAP n’attend pas après cela pour rester le pôle d’excellence qu’elle est en matière de formation parachutiste militaire en France. Crée en 1947, l’école continue à voir passer d’importants contingents. Ils étaient plus de 4.000 stagiaires en 2009 à effectuer 42.000 sauts sur le camp ASTRA en provenance des 3 armées (terre, air, marine). Il ne faut pas oublier des gendarmes dont des membres du GIGN et des militaires étrangers principalement belges et hollandais.
Les priorités du Colonel de Bertier de Sauvigny sont donc éloignées du PPP. La formation d’abord des stagiaires mais aussi l’arrivée d’un nouveau parachute : l’EPC (ensemble parachute de combat) qui sera mis en place en avril/mai 2011. "Plus confortable, plus dirigeable, il permettra plus de travail sous voile et de transporter plus de charge". Reste maintenant à adapter la pédagogie des moniteurs avant de former les élèves.
Les projets de Vitruve ou d’autres peuvent apparaître, l’Ecole des Troupes Aéroportées de Pau a de beaux jours devant elle. Elle est la seule école militaire parachutiste en France et le vent y est toujours aussi... absent.
A propos, savez quelle est la première chose que fait le Colonel de Bertier de Sauvigny le matin ? Comme vous, comme moi, il regarde le temps qu’il fait. Pas tant pour le plafond nuageux mais plus pour la force du vent...
Colonel de Bertier de Sauvigny