Afghanistan : la guerre en images: D'ombre et de poussière" sur les Français dans la guerre d'Afghanistan

Défense ouverte
Jean Guisnel

Afghanistan : la guerre en images
Le Point.fr - Publié le 23/06/2013 à 10:48
PHOTOS. Le photographe Thomas Goisque et l'écrivain Sylvain Tesson publient "D'ombre et de poussière" sur les Français dans la guerre d'Afghanistan. Une réussite.
Photo de soldats français en Afghanistan, tirée du livre "D'ombre et de poussière", de Thomas Goisque et Sylvain Tesson. © Thomas Goisque
Plus de dix années passées en Afghanistan ont profondément marqué l'armée française, en particulier l'armée de terre. Première "vraie" guerre ayant fait suite à la fin de la conscription, elle a changé, à partir de 2001 et jusqu'à ces derniers temps, la vie de toute une génération de militaires. Ils n'y sont pas tous passés, très loin de là, mais 50 000 anciens de l'Afghanistan savent aujourd'hui ce qu'est ce pays. Ils l'ont appris dans la douleur.

Pour la première fois, ils sont intervenus sur un sol que les bottes de combattants français n'avaient jamais foulé. Ils n'en sont partis que douze ans plus tard, un an et demi plus tôt que leurs camarades de combat de l'Isaf (Force internationale d'assistance et de sécurité, NDLR). La question interdite, c'est "pourquoi tout ça ?" Quatre-vingt-huit Français sont rentrés dans des cercueils, des centaines ont été mutilés ou blessés, physiquement ou psychologiquement. Dans sa préface pour le très beau livre du photographe Thomas Goisque et de l'écrivain voyageur Sylvain Tesson, le capitaine Jean-Gaël le Flem évoque le "cadre extraordinaire", la "joie simple de faire son devoir", la "détresse de nos blessés". Mais curieusement, il refuse de répondre à la seule interrogation qui vaille, "Fallait-il y aller ?" : "Je laisse les commentateurs politiques se déchirer sur cette épineuse question."

"Insolent et somptueux"

Dans son beau texte accompagnant les images, Sylvain Tesson rappelle que les Français en Afghanistan se sont trouvés au début abasourdis par cet espace de montagne et de vallées, ces paysans distants et méfiants, ces impénétrables villages de terre aux murs aveugles : "ils ne connaissaient pas ce royaume insolent et somptueux où se jouait une guerre insaisissable. Un tourbillon d'ombre et de poussière."

Quant à ces Afghans qui sont toujours parvenus à chasser les intrus avant de régler leurs comptes entre eux, ils sont à l'image des nomades croisés par Thomas Goisque, "indifférents à ces déploiements, le temps ramènerait l'ordre des anciens jours". Ce qui se produira inéluctablement. Sur l'une des photos, on voit un soldat français de dos. Il commande, bras écartés, à un adolescent, de lever les mains. Dans le regard et dans le sourire narquois du jeune homme, s'apprêtant sans doute à être palpé, on saisit pourquoi on parle du "royaume de l'insolence" à propos de l'Afghanistan. Dans dix minutes, le jeune homme posera peut-être une bombe, sera peut-être tué. Mais jamais il ne sera dompté.

Une guerre doit se montrer

Les Français se sont battus. Et durement... Les images en témoignent. Ils portent des armes sophistiquées, sont protégés par des casques et des gilets, sautent en parachute, tirent au mortier, se méfient de tout, de tous et de toutes, fouillent des caches et trouvent des armes, courent dans les montagnes, s'exposent la nuit, forment les soldats afghans avant de combattre avec eux, trouvent de la drogue...

Les regards saisis par Thomas Goisque laissent parfois poindre une forme d'incompréhension et de lassitude, qui n'a plus lieu d'être aujourd'hui. Pour les Français, cette guerre est terminée... Depuis, ils sont partis ailleurs. La guerre a toujours entretenu un rapport étroit avec l'image, vecteur essentiel de sa narration. Thomas Goisque s'inscrit dans une belle et longue lignée de reporters convaincus qu'une guerre doit se montrer, pour être comprise. Nous avons besoin d'eux.





PHOTOS © Thomas Goisque

Thomas Goisque (photos), Sylvain Tesson (texte), D'ombre et de poussière, 192 pages, 28,50 euros, Albin Michel.



vu dans "Le Point"

On le trouve en librairie?