L'affaire du Lieutenant Santoni Claude
le Samedi 6 Juin 1964.
Une histoire insolite. .
C’est par hasard,
que j’ai découvert ce récit, dans le grenier d’un grand parent décédé qui avait emmagasiné tout
ce qui paraissait sur l’Algérie dans les années 1960.
Des articles qui montrent sans au doute que les Français ont eu raison de quitter l’Algérie
avant ou après l’indépendance.
Voici, dans le contexte de l’époque,
l’histoire véridique du Lieutenant Santoni Claude du 70° bataillon des transmissions
durant les 15 derniers jours de la présence de l’armée Française dans l’Algérois narré
par le Général Jean-Louis de Temple de Rougemont.
Le 1er mai 1963,
le Général Jean-Louis de Temple de Rougemont,
depuis trois mois adjoint du Général Lapaume, commandant la 4° division à Arzew,
succéda au Général La Masson à la tête de la 20° division sur le secteur d’Alger,
à cette période le Sahara oriental était inclus dans la zone de responsabilité de la 20e division.
Le général Jean-Louis de Temple de Rougemont s'appête lui aussi, à regagner la France.
Cette grande unité était articulée comme suit :
Le P.C. de la division était au camp de Siroco, à Cap-Matifou.
La 31e brigade, commandée par le colonel Fournier
était installée dans la région d' Aïn-Taya, répartie sur une quinzaine de points.
32e brigade, commandée par le général de Massignac,
était installée à Médéa, Blida, et surtout elle était chargée de la garde
du dernier terrain d’aviation à Boufarik.
33e brigade, commandée par le colonel Emoult
était dans la région de Miliana, Duperré, Orléansville, sur une dizaine de points.
52e brigade, commandée par le colonel de Visme, était au Sahara.
Les sous groupements :
21 : région d'Ouargla.
22 : région de Laghouat et d'El-Goléa.
23 : région d'In-Amguel, Tamanrasset.
Il y avait, en outre, de nombreux éléments organiques divisionnaires répartis dans la zone
de la division ainsi que des unités et organismes relevant du commandant supérieur.
A Alger même,
beaucoup d'installations militaires subsistaient malgré le principe admis d'après lequel,
l'Algérie étant indépendante, il n'était pas de bonne politique de souligner une présence
militaire française dans la capitale.
Mais les habitudes prises,
les commodités de la ville et, souvent, l'intérêt même de l'armée étaient autant d'obstacles
à un retrait rapide des troupes.
Le commandant d'armes d'Alger était le colonel Deturbet, placé en principe sous les ordres
du général commandant la 32e brigade, mais, compte tenu des problèmes, il traitait souvent
avec le général commandant la 20e division ou même avec le commandant supérieur.
La dernière messe célébrée au camp de Siroco avec l'insigne de la 20° division.
Voila pour les forces Françaises encore présentes dans l’Algérois
La dispersion des unités,
leur morcellement, leur imbrication avec des formations d'autres armes, ne facilitaient pas
l'action du commandement, celle-ci était cependant particulièrement importante pour l'exécution
correcte d'une mission austère, dans un climat politique incertain, alors que ne s'était pas encore
estompé le souvenir des espoirs déçus, des humiliations ressenties, des chagrins éprouvés.
Il s'agissait cependant,
pour l'honneur de l'armée, d'exécuter une décision politique et de quitter l'Algérie dans l'ordre,
la discipline et la dignité.
Dès ses premières inspections et jusqu'au dernier jour, le général commandant la 20° division
se préoccupa du maintien du moral des cadres et de la troupe, de la cohésion et de la discipline
des unités en portant une attention particulière à l'instruction, qui contribue à assurer la sécurité
d'une unité et à la préparer à faire face à toute éventualité.
Les contacts pris par le commandant de la 20e division
avec les unités disséminées dans l'Algérois et le Sahara oriental lui permirent de constater la foncière
bonne volonté de tous, c'était extrêmement réconfortant, d'autant que ce n'était pas a priori évident,
compte tenu des crises douloureuses encore récentes.
Le chargement du matériel à Alger en Juin 1964.
Le principal obstacle à surmonter était l'extrême mouvance dans laquelle s'inscrivait la mission :
retrait progressif des différentes garnisons depuis le Sahara et Orléansville jusqu'à la Mitidja
pour aboutir à une « tête de pont » autour du port militaire d'Alger.
départ échelonné des unités,
certaines étant dissoutes sur place, d'autres dissoutes à leur arrivée en métropole,
d'autres enfin maintenues en métropole sous leur forme actuelle ou sous une forme nouvelle,
avec ou sans changement de dénomination, entraînant des relèves sur le territoire de l'Algérie,
des mutations de personnels d'un corps à un autre.
Cet ensemble de mouvements avait fait l'objet de plans complexes, élaborés, pour les plus importants,
à l'état-major à Paris et par les divers échelons de commandement en Algérie.
Il était convenu dans les accords d’Evian
que les biens immobiliers du domaine militaire français seraient transférés au fur et à mesure
des départ des Français à l’armée Algérienne.
Pour chaque immeuble, un procès verbal était établi par des représentants des deux armées.
Une unité dissoute dans un district de transit à Bône.
Décembre 1963,
Notes :
Pour avoir une petite idée de la situation en Algérie en ce mois de Décembre 1963,
qu’il me soit permis de citer des extraits de l’expose du commandant de la 20° division.
Exposé du général devant les officiers :
Les unités stationnées en Algérie constituaient initialement une force dont la mission principale
était la protection des personnes et des biens.
L’évolution de la situation dans ce pays atténue singulièrement la portée de cette mission
et je tiens à en préciser ici les aspects pour le premier semestre de l’année 1964. . . . .
Notre mission découle de la situation particulière de toute force stationnée en pays étranger.
Elle vise avant tout à assurer la sécurité propre des troupes, elle nécessite enfin l’élaboration
de plan de protection, de défenses et d’intervention dont la mise en œuvre éventuelle implique
d’avoir un matériel en état et des unités soudés.
Un certain nombre d'entraves ne manqueront pas d'être mises à notre action.
Il est possible, en outre, que les déplacements et sorties de nos unités soient quelque peu limités.
Tout cela pourrait avoir une influence fâcheuse sur le moral, si un effort constant n'était pas fait
pour trouver le moyen de pallier ces inconvénients au fur et à mesure qu'ils se présentent.
Enfin, il ne sera pas perdu de vue que l'instabilité politique de l'Algérie
ou la dégradation des rapports entre ce pays et la France pourrait, en cas extrême, provoquer
l'application des différents plans dont la mise en œuvre ne manquerait pas d'être gênée par une A.N.P.
(armée nationale populaire) considérablement renforcée et devenue notre adversaire.
Tel était l’expose du général en ce mois de décembre 1963.
Les cinq premier mois de l’année se passèrent sans trop d’incident,
malgré le comportement de certains fonctionnaires algériens appartenant à diverses administrations, finances, douanes, police en particulier, par son coté tatillon, mesquin et parfoisfranchement hostile,
rendit souvent désagréable les formalités d’entrée ou de sortie en provenance ou en direction de la Métropole pour les français de l’armée et surtout pour les civils.
Puis arriva l’incident de la dernière heure,
heureusement résolu, qui nous fera saisir l’atmosphère de ce mois de juin 1964.
Le démontage et conditionnement de la statue équestre du duc d'Orléans et des bustes de généraux
symbolisant la conquête algérienne, en vue de leur rapatriement vers la France.
Juillet-août 1964
erreur du narrateur, lire 1962Le samedi 6 juin 1964,
Ce jour là,
le Lieutenant Santoni avait quartier libre, il s’était rendu à Alger Plage pour rencontrer quelques amis.
Vers 18 heures, des représentants de la police algérienne,
arrivèrent et se dirigèrent vers la table où le Lieutenant Santoni et ses amis prenaient l'apéritif.
Ils l'invitèrent à les accompagner chez le commissaire principal d'Alger,
qui avait un renseignement important à lui demander, ils lui proposèrent de prendre sa propre voiture
avec laquelle, il pourrait revenir à Alger Plage.
Le Lieutenant Santoni s'excusa auprès de ses hôtes, leur disant qu'il serait de retour sous peu.
En réalité,
il ne revint pas, ni ce jour-là, ni les suivants.
Les missions de liaison,
Le commandant supérieur, le général de division Philippe Malivoire-Filhol de Camas,
l'ambassade, puis, l'ambassadeur M. Gorse ,
eurent beau multiplier les démarches . . . . la réponse fut la même partout,
aucun des services algériens n'avait entendu parler du lieutenant Santoni Claude !!!
La 20e division
en était à sa dernière semaine de présence en Algérie.
Sur tous les navires du matériel et des hommes ont été embarqués en ce mois de Juin 1964.
Réduite,
le 1 er juin, à deux sous groupements, qui avaient succédé aux 31° et 32° brigades,
ceux-ci regroupaient, outre des unités légères de gendarmerie, du train, des transmissions,
du génie, du matériel, de l'intendance et du service de santé, le 4° bataillon de chasseurs,
le 159° bataillon d'infanterie alpine, le 9° bataillon d'infanterie de marine et le 1er spahis.
Pendant la semaine du 8 au 13 juin, les embarquements se poursuivirent au rythme fixé.
Le samedi 13 juin 1964,
Il était prévu ce jour là, l'embarquement, dans l'après-midi, sur l' El-Djezair,
du 4° bataillon de chasseurs, cette unité était chargée de la garde du terrain d'aviation
de Boufarik, dernier aérodrome en notre possession qui seul, à ce stade, aurait permis
l'arrivée de renforts de la métropole en cas de nécessité.
Le transfert du terrain aux autorités algériennes devait se faire le 13 juin à midi.
A 6 heures du matin,
le commandant de la 20° division fit part téléphoniquement de son point de vue
au chef d'état-major du commandant supérieur dans les termes suivants :
Quels que puissent être les problèmes logistiques qui se poseraient,
il n'était pas admissible que les derniers éléments militaires français quittassent l'Algérie
en abandonnant un des leurs aux mains des Algériens.
Il fallait donc envisager de retarder
les derniers embarquements jusqu'à ce que le lieutenant Santoni eût été récupéré.
En attendant,
le commandant de la 20e division rendit compte au commandant supérieur qu'il avisait
les autorités algériennes que le transfert de Boufarik n'aurait pas lieu à midi comme annoncé.
Les dernières forces françaises évacuent l'Algerie en Juin 1964.
Afin de permettre cependant aux embarquements prévus pour ce jour-là de se poursuivre,
il fut décidé que le 1er spahis assurerait, à midi, la relève du 4e bataillon de chasseurs au terrain
de Boufarik afin que cette unité pût embarquer à 16 heures sur l'El-Djezair conformément au plan.
Le 1 er spahis,
qui devait être en mesure de couvrir l'ultime phase de l'embarquement, était équipé « en guerre ».
Il reçut pour mission du commandant de la division de se rendre de Siroco à Boufarik.
Largement articulé sur le terrain.
En utilisant tous les itinéraires.
En faisant un maximum de volume dans la banlieue d'Alger et dans les localités environnantes.
de relever le 4e bataillon de chasseurs en prenant position avec ses blindés autour du terrain
de la façon la plus ostensible.
Entre-temps,
le général Philippe Malivoire-Filhol de Camas, commandant supérieur en Algérie,
avait rendu compte des mesures prises à l'état-major à Paris et prévenu l'ambassadeur
que le départ des dernières unités pourrait être remis en cause . . .
Si le lieutenant Santoni n'était pas rendu aux autorités françaises, celles-ci sachant de source sûre
que cet officier était détenu par une des polices algériennes au mépris des accords !
Le 1er Spahis en tenue de parade à Alger en Juin 1964.
Le général commandant la 20e division déjeuna avec le général commandant supérieur,
comme il était prévu depuis un certain temps, à bord du Président Cazalet,
où l'état-major inter-armées était installé depuis quelques jours.
La mission de liaison algérienne
n'avait pas réagi à l'annonce du changement intervenu dans le transfert de Boufarik.
De son côté, l'ambassadeur M. Gorse, n'avait obtenu de Bouteflika Abdelaziz,
ministre des Affaires étrangères du gouvernement Ben Bella, qu'une réponse évasive.
On en était là quand, au début de l'après-midi,
les organes de renseignements français firent état de rumeurs courant dans Alger sur d'importants mouvements de troupes françaises vers l'intérieur et sur un retour en force de l'armée française !
On devait apprendre plus tard,
Que ce même jour, en fin de matinée,
un inspecteur de police algérien dit au Lieutenant Santoni qu'il serait sûrement libéré le lundi.
A 15 heures,
les policiers qui le gardaient l'invitèrent à se raser et il fut conduit à la gendarmerie algérienne,
où un repas lui fut servi, il n'avait pratiquement rien eu à manger, ni à boire depuis son incarcération.
A 17 heures,
la mission militaire française fut invitée à venir voir le lieutenant Santoni.
A 19 heures,
le colonel Pichon vint le chercher, un colonel de gendarmerie algérien le lui remit.
A 20 heures,
le lieutenant Santoni fut présenté au commandant supérieur à bord du Président Gazalet.
Il fit sa déclaration à la prévôté de la 20e division sur les conditions de sa détention,
particulièrement pénible et tout à fait arbitraire.
Boufarik fut transféré aux Algériens le Dimanche 14 Juin 1964.
Ultime prises d'armes à Alger en Juin 1964.
Le Dimanche 14 juin 1964,
Ce jour-là,
le commandant de la 20e division fit le tour des unités qui devaient embarquer le lundi.
Il adressa personnellement ses ultimes recommandations aux cadres et à la troupe
pour que l'embarquement, la traversée et le débarquement se fissent dans les conditions d'austérité,
de rigueur et de recueillement qu'imposaient les circonstances.
Il put aussi, en relatant les événements de la veille et la libération du lieutenant Santoni,
montrer à tous combien les précautions prises, les efforts demandés et fournis, avaient trouvé
une justification dans l'heureux règlement de ce pénible incident de dernière heure.
Mission accomplie ! ,
Le Président Cazalet
entra lentement dans le port de Marseille le 16 juin 1964, dans la matinée.
Les unités de ce qui avait été la 20e division,
dissoute en mer, le 15 juin à 24 heures, étaient alignées sur les ponts.
« Garde à vous! »,
« Présentez armes! ».
Les commandements retentirent dans l'air calme, sous le soleil déjà chaud.
Après l'adieu de la veille à Alger, c'était le salut de l'armée d'Algérie à la mère patrie.
Le lieutenant X, au garde-à-vous à la tête de son peloton, tendit les yeux vers le quai presque désert.
Lui revint alors en mémoire un passage du livre La Dernière Conquête du Roi.. Alger, 1830 :
« Dès le signal de l'appareillage, la population, rapidement avertie,
s'était portée sur la côte pour assister au spectacle impressionnant
qu'offraient les vaisseaux du roi sortant lentement de la rade.
Les bastingages et les mâtures étaient couverts de marins et de soldats qui agitaient
leurs bonnets et leurs shakos en réponse aux acclamations s'élevant de la terre.
Les musiques militaires jouaient sur les ponts,
les pavillons et les signaux d'appareillage claquaient au vent... ».
« C'est égal , pensa notre lieutenant X,
c'était quand même plus exaltant et plus... facile de conquérir Alger que de le quitter ! »
Mais le soldat ne choisit pas sa mission et,
aussi bien que ses anciens de Sidi-Ferruch, le lieutenant X ...
pouvait dire, avec la dernière division française d 'Alger : « Mission accomplie ».
Général Jean-Louis du Temple de Rougemont
La Pointe de Sidi-Ferruch, où le 14 Juin 1830 par Ordre du Roi Charles X,
sous le commandement de Général de Bourmont, l'Armée Française vint arborer son drapeau.