Merville : le « méchoui des copains » appartient désormais au passé
Publié le 12/06/2015
PAR CHRISTIAN TAFFIN
La quarante et unième édition, en juin 2014, sera finalement la dernière de cette institution mervilloise unique en son genre. Les anciens d’Afrique du Nord et d’Indochine y perpétuaient la camaraderie née au combat depuis 1974. L’âge venant, ils doivent renoncer.
C’est avec beaucoup de tristesse que Jules Houcke est venu nous annoncer la fin du « méchoui des copains ». Fils de Jules Houcke, résistant et fondateur de notre journal, ancien dépositaire de
La Voix du Nord à Merville pendant trente-huit ans
(lire ci-dessous), l’homme cultive naturellement le patriotisme et le souvenir.
Il est aujourd’hui âgé de 81ans et ses camarades –ceux qui restent– appartiennent à la même génération. Christian Brunel, qui mettait à leur disposition depuis des années son terrain à la Caudescure, est souffrant.
L’heure est venue pour les anciens combattants d’Afrique du Nord et d’Indochine de sonner le cessez-le-feu. Ce feu sacré de la camaraderie née entre eux au combat, il ne s’éteint pas, mais il prendra maintenant d’autres formes pour se souvenir de tous ceux qui n’en sont pas revenus ou qui sont aujourd’hui disparus.
C’était
une tradition unique en France que cette
reconstitution d’un campement militair e lancée en mars 1974 par Fernand Deconinck, président des anciens combattants mervillois.
Les anciens soldats revêtaient à nouveau le treillis et, les premières années, partaient au pas avec leur « barda » vers une destination inconnue d’eux-mêmes comme de leurs épouses. Seul le maire savait où les joindre en cas d’urgence et il venait à chaque fois les saluer. Ils ont dormi dans la paille de granges de fermes du secteur, puis sous la tente chez Christian Brunel. Ils ont accumulé des tas de bons souvenirs, dont certains sont couverts par le « secret militaire »... Aujourd’hui, le temps est venu pour eux de « rompre les rangs ».
Jules Houcke, une figure mervilloise
Jules Houcke est une figure mervilloise, même s’il est né en 1934 à Nieppe. Il est l’un des fils de Jules Houcke, qui a été maire de Nieppe, conseiller général, député, sénateur et surtout une grande figure de la Résistance, fondateur du mouvement
La Voix du Nord dont est issu notre journal.
Jules Houcke père fut le premier président du comité départemental de libération du Nord en 1944-1945. Son fils, Jean, a lui aussi été résistant très jeune avant d’embrasser la carrière de journaliste.
Il a dirigé l’édition d’Hazebrouck de notre journal pendant des décennies avant de devenir président du directoire de l’entreprise, puis président d’honneur.
Parachutiste
Jules Houcke fils a d'abord effectué une carrière militaire, engagé dès 1952. Après sa préparation militaire parachutiste jusqu'en 1954, il a passé vingt-sept mois et demi en Algérie au premier régiment de chasseurs parachutistes, ainsi que deux mois et demi à Suez. Il est titulaire de plusieurs distinctions, notamment de la médaille militaire et de la valeur médaille militaire au titre de son régiment avec étoile de bronze. Un régiment auquel il est toujours resté fidèle et auquel il rend visite chaque année à Pamiers, près de Toulouse.
Dépositaire de presse
Démobilisé en 1957, Jules Houcke est alors arrivé à Merville où il a tenu la Maison de la presse : aux Deux-Ponts puis, à partir de 1966, sur la Grand-place.
Pendant vingt-cinq ans, en plus du magasin, il a fait la tournée des journaux de 4 h 30 à 6 h du matin.
En retraite depuis 1994, Jules Houcke s'est établi à Armentières mais il est resté fidèle à Merville en restant très impliqué dans la vie associative locale, au sein de l'Union sportive municipale, du comité des fêtes et des anciens combattants tant à Armentières qu’à Merville.
Jules Houcke s'était marié en 1957 à Thérèse Boone, qui lui a donné quatre enfants. Il a eu la douleur de la perdre en 2009.
Des souvenirs plein le sac
À pied puis en camion.
La première année, les anciens combattants sont partis à pied et en défilant au pas du centre de Merville jusqu’à une destination inconnue, comme quand ils marchaient au combat. Après, d’anciens véhicules militaires ont rejoint le cortège qui a circulé en jeep ou dans ces camions GMC dont tous ceux qui ont fait leur service militaire connaissent le confort spartiate et la bonne aération sous la bâche... Des souvenirs, il y en a plein le sac.
Le rata, les brochettes, les merguez et le méchoui.
Si ces retrouvailles étaient festives, elles gardaient toujours un caractère militaire avec l’envoi des couleurs et l’appel pour commencer, la sonnerie au clairon pour le réveil au petit matin... On n’y servait pas de la soupe mais du rata avant de continuer par les brochettes et les merguez en fin de journée et enfin le méchoui proprement dit vers 22h. La nuit se prolongeait en évoquant les souvenirs et en se faisant des blagues autour du feu de camp (secret militaire). Réveil à 6h, petit-déjeuner à 7h et on se disait à l’an prochain.
La tradition a failli s’arrêter.
Fernand Deconinck, créateur du méchoui des copains, est décédé le 20 mai 2008. La tradition a alors failli s’arrêter. Mais Jean-Pierre Engelaere a repris le flambeau. L’âge venant, les rangs se sont clairsemés et ce rendez-vous qui était réservé aux seuls anciens combattants a été ouvert à quelques amis invités. C’est ainsi que le fils de Jules Houcke a traversé toute la France pour pouvoir participer à ce rendez-vous mystérieux avec son père...