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Publié le 29/10/2014 à 08:18
Premiers pas chez les paras
Le CFIM enseigne le combat (en haut) et toutes les bases indispensables avant d'intégrer la vie quotidienne du régiment. / DDM P.C
Quelques kilomètres de petites routes. Et enfin l'entrée du Quartier Normand. La barrière réglementaire. Le poste de garde pour le laissez-passer… Et d'emblée, le visiteur entre dans le vif du sujet. Immédiatement à sa gauche, en tenue de combat et fusil d'assaut en mains, cinq jeunes progressent prudemment derrière les arbres, en direction des bâtiments de commandement…
«Ici, ils apprennent l'alphabet et la grammaire du soldat des forces terrestres : se poster, se déplacer, utiliser son arme et se protéger. Cela doit devenir leurs gestes réflexes», résume le lieutenant-colonel Sébastien Renardet, grand patron de leur instruction. Car ici, c'est Caylus. Nom synonyme de champ de tir pour l'infanterie. Mais qui depuis 2010 est donc aussi devenu le Centre de Formation Initiale Militaire des militaires du rang (CFIM) où sont accueillis les futurs bérets rouges de la 11e Brigade Parachutiste pour y percevoir le «package obligatoire du soldat».
Le «vrai» autre, en chair et en os
Caylus, ce sont en effet 5 500 hectares au sud des causses du Quercy, dans le Tarn et Garonne. Et surtout un paysage de murets de pierres sèches, de chemins, de prairies, de bois de petits chênes et de vieilles fermes parfait pour apprendre à manœuvrer. Mais aussi le genre d'endroit à l'écart où loin des tentations urbaines les nouvelles recrues «découvrent la rusticité», «les règles de vie en collectivité, la cohésion» tout en apprenant aussi à vivre avec l'autre, «un «vrai» autre en chair et en os, et pas un ami fictif sur un internet», sourit l'officier.
Une, deux ou trois sections d'une quarantaine de bleus par mois… Ils sont ainsi un petit millier à passer par là, chaque année. Et ce matin, ceux du 3e RPIMa de Carcassonne s'initient aux transmissions. Postes radio portatifs sur lesquels les novices tondus de frais s'activent pour caler la bonne fréquence, essais… «Est-ce que vous captez ceux du dehors ?» interroge le sergent, dans la salle. Plus ou moins… Alors on reprend. En positivant.
«La pédagogie a évolué : on privilégie celle du succès», explique le capitaine Jacob Hamel, du CFIM, qui précise : «plus de 50 % des soldats ont le bac, le niveau s'élève mais on a aussi affaire à une génération «zapping» prompte à décrocher. Certains à 19 ans ont déjà fait quatre métiers. Il faut donc s'adapter, leur fixer des objectifs à court terme et surtout valoriser la réussite. On travaille donc sur leur motivation». Ces classes ? «ça permet de se découvrir, de voir qu'on peut réussir des choses dont on se croyait incapable», confirme alors plus d'un.
Dans la salle d'à côté ? Des petits nouveaux du 8e RPIMa arrivés depuis quelques jours. «Le «8» est le régiment le plus demandé de la brigade», glisse le capitaine Hamel. Motivés, ils le sont. Témoin Benjamin, 18 ans, bachelier tarbais engagé le 1er octobre. Son père est officier parachutiste, ses deux frères également militaires. «Mais moi, je voulais commencer au 8e RPIMa. À l'école de sous-officier, c'est le classement qui décide. Pour être sûr d'être au «8», j'ai préféré m'y engager simple soldat et j'essayerai de monter par la voie interne», explique-t-il, rêvant déjà de sa première projection «là où ça chauffe, en Centrafrique, au Mali» parce que «ce qui m'attire, c'est la réactivité de la 11e BP, brigade de l'urgence sur tous les théâtres d'opération», précise-t-il fièrement, conscient de s'inscrire dans une lignée familiale.
Mais un profil qui n'est pas une règle. Son voisin Johan, lui, aura bientôt 25 ans, à un an de la limite d'âge pour s'engager. Né à Nantes, il vit dans l'Aveyron et a fait son tour de France dans la boulangerie, chez les compagnons du devoir. «Il n'y a pas de militaire dans la famille. Mais moi, après le tour de France, je voulais voir le monde, l'aventure et vivre de très bons moments avec des camarades en servant mon pays», explique-t-il, pas vraiment surpris de ce qu'il découvre «car c'était déjà très discipliné et hiérarchisé chez les compagnons».
Casquette Bigeard pour ces marsouins, chapeau de brousse pour les futurs artilleurs du 35e RAP de Tarbes qui astiquent dans l'urgence leurs rangers avant de partir déjeuner, au pas et en chantant… «Chez nous, la remise du béret rouge est un symbole fort, c'est l'entrée officielle dans la famille. Elle se fera lors d'une cérémonie avec parrainage, au terme d'une marche», rappelle un cadre. Et en attendant, il faut donc apprendre durant douze semaines. L'ordre serré et le sport quotidien, le règlement, le tir, mais aussi le secourisme, les rudiments du génie, des transmissions et bien sûr… le combat.
Contact à gauche !
Visage camouflé, sac au dos, ils sont à présent une dizaine à évoluer sur une lisière. Deux sont partis devant jouer les plastrons, l'ennemi caché dans la végétation. La petite colonne avance, aux aguets. «Contact à gauche !». Tout le monde à plat ventre. échange de rafales factices sous l'œil des sous-officiers qui conduisent l'exercice. «Pourquoi ne vous êtes-vous pas mis à couvert sous les arbres à deux mètres devant vous pour vous protéger et riposter ?» interroge le maréchal des logis chef… Euh… Sans conséquence aujourd'hui, mais demain en opération ?
«Tuer ou être tuer, ces questions-là, il faut y avoir réfléchi avant de s'engager», reconnaît Alexia, 24 ans. «La question du sacrifice de sa vie, c'est encore un peu tôt pour l'aborder… Mais ça arrivera forcément. Pour l'heure il s'agit surtout d'apprendre les bons gestes», répond pour sa part David, 25 ans. Lui aussi atypique.
Ingénieur dans le BTP, il avait toujours voulu s'engager. «J'ai eu l'opportunité de ne pas continuer là où j'étais et mon épouse et ma famille m'ont encouragé». Il a donc rejoint le 17e RGP de Montauban «pour être amené à vivre des expériences hors du commun et servir mon pays, aussi». Dans le ciel à l'ouest, un CASA largue ses paras. Le brevet, ils iront le passer à l'ETAP de Pau après leur formation initiale et un retour éclair dans leur régiment. La claque qu'on prend en sautant de l'avion à 200 à l'heure ? Même pas peur. «ça va être trop bien», se rassurent-ils mutuellement.
Lieutenant-colonel Sébastien Renardet, responsable du CFIM à Caylus
«Inculquer le goût de l'effort à nos jeunes»
Le CFIM travaille-t-il uniquement pour la 11e B.P. ?Non. L'axe majeur est parachutiste, mais nous assurons aussi la formation pour le 5e Régiment d'Hélicoptère de Combat de Pau et le 48e Régiment de Transmission d'Agen ainsi que pour les unités de soutien qui doivent recevoir la formation de base du combattant, laquelle est sanctionnée par l'attestation de fin de formation initiale militaire (AFFIM), obligatoire pour être soldat des forces terrestres. Cet été, nous avons fêté notre 100e section, nous en sommes à 105 aujourd'hui, soit environ 4 000 jeunes formés ici depuis 2010. Un millier par an, cela correspond au renouvellement d'un cinquième des soldats de la brigade.
D'où viennent ces jeunes parachutistes ?De partout en France, mais la majorité vient surtout du grand Sud-Ouest, à 55 %. Castres, Tarbes, Pamiers, Carcassonne, Montauban : dans toutes ces villes et dans leur département, l'identification au régiment est très forte, ça joue aussi.
La féminisation progresse-t-elle.Elle reste faible dans les unités parachutistes puisqu'elle est actuellement de 2 %.
Comment définiriez-vous la spécificité parachutiste ?Ce que nous essayons d'inculquer à ces jeunes, c'est le goût de l'effort, la pugnacité, de toujours essayer de se dépasser, ainsi que la cohésion, l'entraide.
La tradition reste-t-elle importante ?Absolument et elle passe toujours par le chant et le challenge Bigeard.
11e Brigade parachutiste
Spécialisée dans le combat aéroporté et l'assaut par air, la 11e Brigade parachutiste comprend huit régiments pour un total de 7 500 hommes et femmes. Son état-major est basé à Toulouse (Balma), sous les ordres du général Olivier Salaün. Brigade de l'engagement d'urgence, elle arme en permanence le dispositif d'alerte Guépard TAP, opérationnel 24/24. Pour assurer ses missions, elle possède cinq unités de combat : le 1er RCP à Pamiers, le 1er RHP à Tarbes (blindés légers), le 3e RPIMa à Carcassonne, le 8e RPIMa à Castres et le 2e REP de la Légion, à Calvi. Ses unités d'appui et de soutien sont pour l'artillerie, le 35e RAP de Tarbes, le 17e RGP de Montauban pour le génie, le 1er RTP de Toulouse assurant le train.
Pierre Challier