La
Minerve, le sous-marin disparu il y a cinquante ans, retrouvé au large de Toulon
Si les terres nous sont en grande partie connues, les profondeurs des mers et l’espace sont encore un vaste champ d’exploration pour l’homme.
Cette conjonction des extrêmes explique peut-être pourquoi c’est précisément le 21 juillet 2019, soit cinquante ans jour pour jour après le premier pas de l’homme sur la Lune, après cinquante et un ans de douleur pour les familles des marins disparus, que le sous-marin la
Minerve, disparu au large de Toulon avec ses cinquante-deux membres d’équipage, a été retrouvé.
Au large de Toulon, le 27 janvier 1968, à la suite d’un exercice d’entraînement à la détection du sous-marin par l’équipage d’un avion de patrouille maritime, exercice écourté pour cause de mauvaise mer et de météorologie exécrable, le sous-marin à propulsion diesel de 58 mètres de long et de 1.000 tonnes environ (déplacement en plongée), après un dernier contact radio vers 8 heures du matin, a sans doute implosé sous la pression de l’eau de mer en coulant à la suite d’une avarie. Avarie de barre de plongée arrière ? Entrée d’eau par le tube d’air ? Peut-être ne saurons-nous jamais ce qui s’est passé ce jour-là.
La
Minerve ne rentra pas le soir comme prévu, une procédure de recherche avec tous les moyens aéronavals fut immédiatement mise en œuvre. Le président de la République Charles de Gaulle fut informé dans la nuit. Une trentaine de navires, dont le porte-avions
Clemenceau, tous les hélicoptères et aéronefs disponibles furent mobilisés et cherchèrent en vain, en ratissant la mer notamment dans le secteur supposé de l’accident, jusqu’à ce qu’aucun espoir ne subsiste, compte tenu de la durée maximale de survie des hommes à bord du sous-marin en immersion profonde sans capacité de renouvellement de l’air.
Depuis quelque temps, Hervé Fauve, un des fils du commandant, a rassemblé les proches des membres de l’équipage, et lors du cinquantenaire de sa disparition, à Toulon, les familles de la
Minerve, ainsi réunies, se sont mises en mouvement. Elles ont demandé au ministère des Armées de relancer les recherches pour retrouver l’épave : d’énormes moyens venaient d’être mobilisés – avec succès – pour retrouver, au large de l’Argentine, les débris du
San Juan, un autre sous-marin diesel qui a coulé fin 2017.
C’est ainsi que la
Minerve a été retrouvée à son tour grâce aux moyens technologiques récents et aujourd’hui disponibles. Elle repose à 2.350 mètres de profondeur. Le sous-marin, par sa conception, n’a pu résister à la pression de l’eau à cette profondeur et a implosé bien avant de heurter le fond : on voit trois groupes de morceaux de taille variable, éparpillés. À l’avant, le massif est détruit mais on lit, sur le kiosque, les premières lettres de son nom, « MIN ».
Les hommes d’équipage, 52 hommes, des hommes jeunes dont la moyenne d’âge n’excède pas 25 ans, reposent aussi là, dans la mer, et parmi eux le lieutenant de vaisseau André Fauve, le commandant, celui qu’on surnomme à bord « le vieux » : il faut dire qu’il avait 32 ans.
52 vies brisées dans leur élan, à l’âge de jeune adulte, celui des choix et, pour eux, du choix des armes, et pour beaucoup – on se mariait plus tôt, à l’époque – de la fondation d’une famille.
52 familles, des mères et pères éplorés, des épouses transpercées, seules, courageuses, et des enfants, tous très jeunes, qui grandiront sans la présence de leur père, dans un souvenir plus ou moins avéré.
Deux ans plus tard, l’
Eurydice, sister-ship de la
Minerve, disparaissait en mer.
Ancien commandant de sous-marin nucléaire d’attaque mais aussi d’un sous-marin parfaitement identique à la
Minerve – la
Junon -, je vous invite à faire souvenir et à garder la mémoire de ces vaillants et jeunes équipages, dont la vie a été écourtée tragiquement, et qui ont laissé, malgré eux, mères et pères, épouses et enfants continuer de vivre en portant ce fardeau.
Bd VOLTAIRE