Emmanuel Macron a visité ce mardi le site industriel Framatome du Creusot, en Saône-et-Loire. Ce déplacement sur le thème du nucléaire civil et militaire lui a permis de faire des annonces importantes pour la filière nucléaire. Le président de la République a en particulier dévoilé sa décision relative au programme Porte-Avions de Nouvelle Génération (PANG).
Ce futur porte-avions est appelé à succéder à l’actuel Charles-de-Gaulle (43 000 tonnes pour 262 mètres de long) lancé en 2001 et dont le retrait du service actif est prévu pour 2038. Ce sera un porte-avions d'environ 75 000 tonnes à pleine charge pour 305 mètres de longueur, capable d’atteindre 27 nœuds (environ 50km/h).
La question de la propulsion s’est avérée cruciale puisque le bâtiment à construire sera plus lourd et plus rapide que l’actuel porte-avions. Il a été décidé de conserver une propulsion nucléaire, gage d’une « endurance accrue » et d’une disponibilité meilleure puisque « les grands carénages n’auront plus lieu tous les 7/8 ans mais tous les 10 ans », selon le ministère des Armées. Le choix a été fait d’une chaufferie embarquée de nouvelle génération, la K22 (d’une puissance de 220 mégawatts). Le développement de cette chaufferie mobilisera les ingénieurs de la Direction des Applications Militaires (DAM) du CEA, de la société TechnicAtome et de Naval Group
Le PANG accueillera 30 avions de chasse (Rafale puis futur chasseurs SCAF qui pèseront une trentaine de tonnes et exigeront un pont d’envol plus long), des drones d’accompagnement et des avions de guet aérien. Il sera équipé de deux catapultes américaines fabriquées par la société américaine General Atomics. Elles remplaceront les actuelles catapultes à vapeur qui équipent le Charles-de-Gaulle. Ce seront des catapultes électromagnétiques comme celles installées sur le nouveau porte-avions Gerald-Ford de l’US Navy.
L’équipage rassemblera environ 2000 militaires dont les 1100 marins pour la conduite du porte-avions. 500 autres armeront le groupe aéronaval embarqué et une centaine seront affectés à l’état-major du GAN (le groupe aéronaval formé par le porte-avions et ses navires d’escorte et de soutien).
Et le coût ? Certaines sources avancent une facture finale d’environ 5 milliards étalés de 2021 à 2038. Seule certitude, selon le cabinet de Florence Parly : 900 millions d’euros seront dépensés sur la période 2021-2025 pour la phase de conception du bâtiment. Pour la seule année 2021, 117 millions seront consacrées aux études.
Du côté industriel.« La concrétisation de ce projet mobilisera 2000 ETP (équivalent temps plein) », annonce le ministère des Armées.
La phase d’études et de conception va courir jusqu’en 2025. Commencera alors la construction du bâtiment à Saint-Nazaire, aux Chantiers de l’Atlantique, seuls capables d’accueillir la réalisation d’un tel navire. 400 ouvriers et ingénieurs des Chantiers seront mobilisés. Ils seront épaulés par 1400 employés de Naval Group dispersés sur différents sites dont Lorient et Nantes. Technicatom de son côté va déployer 300 personnes, principalement à Aix.
« 430 personnes en Bretagne, 650 dans les Pays de Loire et 710 dans le grand Sud interviendront particulièrement sur ce chantier », résume le cabinet de Florence Parly.
La fin de la construction est prévue pour 2036. Commenceront alors deux années d’essais à la mer avant l’admission au service actif du PANG dont on connaîtra alors le nom.
Un serpent de mer.La décision présidentielle ne constitue en rien une surprise. Elle intervient seulement au terme de plus de deux ans d’études et d’annonces retardées. En juillet 2018, la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2019 – 2025, annonçait déjà des « études relatives à l'aviation de combat du futur et au successeur du porte-avions Charles-de-Gaulle (…) pour garantir nos capacités d'intervention dans le haut du spectre. »
En novembre de la même année Emmanuel Macron anticipait une décision pour le milieu de l’année 2020. Une décision basée sur quatre études d'un montant d'environ 36 millions d'euros, commandées par la ministre des Armées. Les conclusions de ces études ont été transmises à Florence Parly en février dernier ; elle a remis à l’Elysée « un dossier complet et étayé ». Au Président de trancher et d’annoncer !
Mai puis juin n’ont pas vu d’annonce. Il faut reconnaître que la pandémie chamboulait les cartes… Comme le rappelle le blog Le Fauteuil de Colbert, « seule la ministre des Armées, Florence Parly, troublait ce silence quand la note d'information annonçant son déplacement aux Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire), le 18 mai 2020, pour la cérémonie de découpe de la première tôle du BRF n°1 (Bâtiment Ravitailleur de Forces) déclarait en une ligne qu'elle « se fera présenter les capacités industrielles des Chantiers de l'Atlantique, où sera construit le porte-avions de nouvelle génération ».
Le 13 juillet, lors de la « garden party » du ministère des Armées, Emmanuel Macron faisait allusion à des décisions structurantes pour l'avenir ». Et de citer : « le format de nos Armées, comme le choix du successeur du porte-avions Charles-de-Gaulle ».
Restait toujours à trouver une occasion d’annoncer formellement les choix. Fallait-il attendre les vœux aux Armées ? La visite au Creusot, prévue en octobre et reportée, a constitué la meilleure occasion. Et permis d’officialiser ce qui n’était qu’un secret de polichinelle. Ce site a été choisi car Framatome y fabrique des cuves à la fois pour des réacteurs civils et pour des réacteurs utilisés dans la propulsion navale militaire, comme celle du Charles-de-Gaulle et des sous-marins nucléaire français.
Ligne de défense 08.12.2020