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| Juin 1940, il y a quelques 70 ans... | |
| | Auteur | Message |
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PETIT Pro !
| Sujet: Juin 1940, il y a quelques 70 ans... Lun 14 Juin 2010 - 22:25 | |
| Texte tiré du "journal de route" de mon père Victor PETIT, futur breveté parachutiste de l'infanterie de l'air :
12/13 JUIN 1940 :
Les allemands sont aux portes de Paris. Nous avons ordre de « bouziller » le maximum de matériel chez Bréguet. Trois Bréguet tout neufs sont sur la piste. Deux aux couleurs françaises et un aux couleurs belges. Pas de pilotes, les pleins sont faits et les armes approvisionnées (canons Hispano 20 mm – mitrailleuses). On les brûle ! Pourquoi n’ai-je pas osé décoller avec un de ces avions ? Bien souvent par la suite, lorsque je cherchais une filière étant en Afrique du Nord pour rejoindre de Gaulle en passant par Gibraltar, j’ai regretté de ne pas avoir essayé de le faire. Peut être me serais je ratatiné à l’atterrissage, mais je pense que pour décoller, cela n’aurait pas posé trop de problème car le Bréguet était un avion sain, le décollage se faisait à 190 – 200 km/h.
Dans l’après-midi, départ avec un ordre de mission pour rejoindre les ateliers Bréguet Latécoère à Anglet près de Bayonne. Moyen de déplacement : le vélo, et en avant pour près de 900 km, car les gendarmes nous obligeaient à effectuer de fréquents changements d’itinéraires. Nous sommes trois du même âge, avec des valises devant et derrière, arrimées sur des portes bagages bricolés à l’usine de Villacoublay, juste avant le départ.
Nous pédalons au milieu des réfugiés, la plupart à pieds, et parmi les voitures militaires, nous constatons que celles-ci transportent surtout des officiers. (Ils auraient dû être sur le « front » avec leurs hommes !...)
C’était une vraie pagaille !
La route prise passe par Etampes. Au moment où nous y passons, çà bombarde : les avions sont aux couleurs italiennes, ces braves macaronis ont déclaré la guerre à la France dans la nuit du 10 au 11 juin, quand les allemands avaient déjà presque gagné la bataille de France. Le mitraillage qui suit le bombardement occasionne de nombreux blessés et morts parmi les réfugiés.
Après cet épisode qui nous a quand même secoués, nous reprenons la route.
Le lendemain, passage à Orléans, re-bombardements et mitraillages, toujours par les avions italiens : sans savoir ce qu’ils nous arrivent, nous nous retrouvons tous les trois culbutés dans le fossé, avec vélos et valises, entourés d’une pluie de mottes de terre avec un gros « boum » terrible accompagnant le tout. Nous venons d’être propulsés proprement au fossé par une explosion provenant d’une bombe lâchée par un des avions italiens qui passent et repassent en mitraillant . Nous nous en tiront sans une égratignure, grâce au fossé assez profond qui nous a certainement protégé des éclats. Encore beaucoup de blessés et de morts dans la cohue des réfugiés. Nous aidons au mieux et repartons à pédaler de plus belle.
13 JUIN 1940 AU SOIR :
A Château-Renault, sur la RN 10, où nous arrivons le soir, nous cherchons un endroit pour dormir. Pas facile avec le flot de réfugiés qui envahit tout. Après bien des aller et venues, nous tombons sur un brave homme qui nous ouvre son garage pour que nous puissions y dormir. Grosse surprise : au mur est étalé un parachute. Aussitôt, nous lui posons un tas de questions. De fil en aiguilles, nous lui apprenons que nous travaillons chez Bréguet Aviation et que nous avons des ordres de mission pour nous rendre à Anglet. Nous sommes adoptés et prenons notre repas à sa table. Cela nous change du casse-croûte avalé en vitesse au petit bonheur. Cette rencontre a peut-être été le déclic qui deux ans plus tard en Algérie, décidera de mon engagement dans le 1er RCP.
En effet, ce Monsieur MOREAU est un parachutiste de métier : il saute dans les meetings aériens. Une carte postale le représente avec le journal du coin (La Dépêche), et deux canards vivants l’accompagnent dans sa descente ! Il dédicacera une de ses cartes pour chacun d’entre nous ! Celle que je possède toujours est ainsi libellée : Au petit Petit qui couche et sans le vouloir chez le créateur de l’infanterie aérienne, mais qui n’aurait pas voulu que les Bôches copient ce qu’il avait voulu faire.
C’était un original, mais un brave type. Je ne l’ai jamais revu. Je le regrette car il aurait sûrement été heureux d’apprendre que j’avais fait la guerre dans l’arme qu’il avait voulu créer !
Le lendemain 14 juin, départ vers quatre heures du matin. Il commence à faire jour et nous avons encore bien des kilomètres à parcourir. On pédale et quand nous le pouvons, nous nous accrochons à des véhicules qui roulent à une vitesse assez lente (camions, vieux bus parisiens, etc…). Le flot des réfugiés est moins dense et cela permet de progresser plus rapidement. Les accrochages aux véhicules se font de plus en plus faciles et ce qui est le plus agréable est de pouvoir s’accrocher à un de ces bus parisiens qui transportent matériel et personnel évacués vers le Sud-Ouest.
Cette façon de faire nous permet de descendre jusqu’à Angoulème où nous arrivons tard le soir. Nous dormons dans une école réquisitionnée. Pas facile de trouver à manger. Avec bien des difficultés, nous arrivons à nous caler l’estomac car c’est la « foire d’empoigne », et je m’aperçois avec le recul que dans des graves circonstances (comme cette déroute générale), c’est toujours la loi du plus fort qui prime malheureusement !
16 JUIN 1940 :
La nuit est courte et le lendemain nous nous mettons en route de bonne heure. Nous avons la chance de tomber sur un camion plate-forme de chez Bréguet qui transporte des profils et pièces diverses. Cela roule en s’accrochant, parfois c’est de l’acrobatie car nous frôlons gens et véhicules. Nous ne voulons pas lâcher de peur de ne plus pouvoir rattraper notre remorqueur. A cette vitesse là, nous sommes à Bordeaux sans trop de fatigue et quand les trois gars qui sont sur le véhicule s’arrêtent pour manger un casse-croûte, nous en faisons autant. Nous faisons connaissance et nous leurs montrons nos ordres de mission pour Anglet où ils vont eux aussi.
Nous nous mettons d’accord pour qu’ils ne roulent plus trop vite, et Bartel, lui d’un de nous, le plus fatigué, prend place sur la plate-forme avec son vélo.
Nous serons, Fraissex et moi, un à droite et un à gauche, notre accrochage en sera plus facile.
17 JUIN 1940 : (après-midi)
Nous sommes sur la route des Landes. Presque tranquilles en remorque à notre camion. Cela roule ! De temps en temps, nous permutons de côté car le bras qui tient la ridelle, ou plûtot la chaîne, se fatigue. En effet, en prévision de la fin de la route et pour aller plus vite, nous avons amélioré notre technique de remorquage : nous sommes plus à l’aise tout en étant plus en sécurité.
Le soir nous sommes à Anglet. Nous avons fait plus de 200 km dans la journée (le record depuis notre départ) grâce au camion de chez Bréguet et aux gars qui le conduisaient.
18 JUIN 1940 :
A huit heures du matin, nous sommes présents à l’atelier. L e contremaître Hofmann est tout surpris de nous voir. Il ne nous attendait pas si tôt. Nous sommes employés aussitôt au déchargement du matériel et suivons à la radio, quand nous en avons le temps, l’évolution de la situation.
L’après-midi, Hofmann cherche des volontaires pour accompagner du matériel (machines outils, prototype Bréguet de bombardement 782 quadrimoteur…) direction l’Angleterre. Il ne trouve personne. Les Allemands ont dépassés Saint-Nazaire et se dirigent vers Bordeaux.
Le chargement du matériel doit se faire à Bayonne. Hofmann cherche toujours des volontaires qui ne sont toujours pas assez nombreux. Je me propose : refus ! Trop jeune ! Le soir, je vais le voir et lui demande de me mettre sur sa liste et après bien des discussions et des hésitations, il accepte ! Il arrivera à trouver 22 ou 23 gars. Ordre de nous préparer pour le départ avec des vivres pour 48 heures.
A suivre..... | |
| | | claude millet Fondateur
| Sujet: Re: Juin 1940, il y a quelques 70 ans... Mar 15 Juin 2010 - 18:59 | |
| Bonsoir Denis,
Je me doutais que tout n'était pas dit
Merci! | |
| | | Baëtz Daniel Pro !
| Sujet: C'était il y a 70 ans Mer 21 Juil 2010 - 17:45 | |
| Qu'elle chance de pouvoir lire ce récit . Ont a l'impression que c'était hier dans la fraicheur de ces lignes . Que de désinvolture parmis tout ces dangers . En lisant on a le sentiment de les avoir connu . A bientôt pour la suite . Un Para du 1er. RCP . | |
| | | PETIT Pro !
| Sujet: la suite... Sam 9 Mar 2019 - 22:54 | |
| La suite et toute l'histoire à retrouver sur : https://www.facebook.com/Balade-guerri%C3%A8re-souvenirs-de-temps-de-guerre-1940-1944-2254268031520513/
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| | | Charly71 Expert
| Sujet: Re: Juin 1940, il y a quelques 70 ans... Dim 10 Mar 2019 - 8:34 | |
| Il est bon de se retremper dans cette atmosphère presque 80 ans après "la drôle de guerre" (pas pour tous visiblement) Brevet n° 893 , waouh! Merci petit | |
| | | PETIT Pro !
| Sujet: Re: Juin 1940, il y a quelques 70 ans... Dim 10 Mar 2019 - 14:07 | |
| Il faut remercier le fiston qui a pris la relève...
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| | | PETIT Pro !
| Sujet: Re: Juin 1940, il y a quelques 70 ans... Mer 27 Mar 2019 - 23:19 | |
| Le titre n'est plus : il y a quelques 70 ans, mais 75 ans cette année ! | |
| | | | Juin 1940, il y a quelques 70 ans... | |
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