Après la semaine des «Barricades» en janvier 1960, l'état d'esprit de la hiérarchie militaire en Algérie passe de la perplexité au désappointement.
La 2éme «tournée des popotes» de C2G, du 3 au 5 mars 1960 conforte ce sentiment, tout comme le remplacement du général CHALLE, commandant en chef en Algérie, par le général CREPIN réputé plus souple.
A l'automne 1960, Paul DELOUVRIER Délégué Général du Gouvernement en Algérie, est remplacé par jean MORIN, gaulliste.....à la fin de l'année a lieu le référendum sur la politique algérienne. Les résultats de la consultation du 8 janvier 1961, montrent qu'en Algérie, l'armée influence encore une partie des musulmans, les européens repoussant en bloc la proposition de C2G.
En France, une majorité de métropolitains approuvent cette politique.
de GAULLE estime :
Avoir repris en main l'armée.
Retiré leurs illusions aux européens d'Algérie.
Démontré sa bonne foi aux musulmans.
Pourtant, un certain nombre de chefs militaires n'ont pas renoncé à renverser le cours de l'histoire. Mutés en métropole mis plus ou moins au placard, ils conservent leur liberté d'action. SALAN est à Madrid, JOUHAUD s'est retiré chez lui en Oranie, FAURE et ZELLER sont à la retraite en France, CHALLE a pris une retraite anticipée.
Ce sont surtout les colonels ARGOUD et LACHEROY qui décident CHALLE à faire quelque chose, SALAN et ZELLER sont déjà dans «le coup».
Pour rassurer CHALLE et tous ceux qui commandent en Algérie, l'affaire sera menée uniquement par les militaires.
Mais le scénario est plutôt mal ficelé :
Est-ce qu'il y aura un ralliement massif des musulmans ? Rien n'est moins sûr.....
Quelle va être la réaction de C2G ? Va t-il être désemparé ?
L'opinion en métropole va t-elle être favorable ?
Quelle va être la réaction des appelés du contingent, sachant qu'ils sont de moins en moins motivés pour continuer cette guerre, dans leur grande majorité.
Ce sont toutes ces raisons qui font que CHALLE hésite jusqu'au bout, mais, après avoir appris que les pourparlers d' Evian avec le FLN, ont commencé le 30 mars et que C2G confirme les choix définitifs (évocation d'un état algérien souverain) dans sa conférence de presse du 11 avril, il donne son accord le 12 au groupe des militaires impliqués dans le projet de putsch.
La date retenue du soulèvement est fixée au 20 avril.
Les chefs rebelles regagnent Alger en profitant des sympathies conservées dans l'armée de l'air.
Ils se retrouvent à Alger le 20 au matin(sauf SALAN retardé) et installent leur P.C à la villa des Tagarins.
Les unités sûres ne sont pas nombreuses, mais ce ne sont que des troupes d'élite : 1er REP, 1er, 14éme et 18éme RCP, le 27éme Dragons, le GCPA (commandos de l'air)....etc
Le Délégué Général Jean MORIN et le général GAMBIEZ ne sont pas inquiets, cela fait moult fois qu'on leur annonce qu'un complot se prépare.......
Le 22 avril à 7h du matin, Radio-Alger annonce l'incroyable : L'armée vient de prendre le contrôle de l'Algérie. Au cours de la nuit du 21 au 22, légionnaires et parachutistes ont investi les centres névralgiques d'Alger :
La Délégation Générale, le P.C de l'état-Major Interarmes au Quartier Rignot, le Corps d'Armées d'Alger à la caserne Pélissier, le Palais d'été, l'aéroport de Maison-Blanche, l'immeuble de Radio-Alger, l'AFP, les Télécommunications sont coupées avec la métropole, enfin la station de TV à Ouled-Fayet. (c'est là qu'aura lieu la seule fusillade, le soldat Pierre Brillant, de garde, résiste et est abattu par les paras.
MORIN, GAMBIEZ et toutes les personnalités qui comptent et qui refusent de se rallier, sont embastillés.
Les gendarmes, les CRS ainsi que les éléments militaires peu sûrs se laissent désarmer. A 3h du matin, Alger est tombé.
Au siège de l'état-Major, CHALLE, JOUHAUD et ZELLER ont pris les rênes, leur intention : «Tenir le serment de l'armée de garder l'Algérie, pour que nos morts ne soient pas morts pour rien !».
C'est contre ce qu'ils nomment «Un gouvernement
d'abandon» que se lèvent les putschistes.
Par radio, France V rebaptisé Radio-France, diffuse un message du nouvel état-Major :
« L'armée s'est assurée le contrôle du territoire algéro-saharien, l'opération s'est déroulée conformément au plan prévu, dans l'ordre, sans un coup de feu (inexact)».
Dans la matinée, CHALLE fait une déclaration à la radio :
«Je suis à Alger avec ZELLER et JOUHAUD et en liaison avec le Général SALAN, pour tenir notre serment, le serment de l'armée de garder l'Algérie, pour que nos morts ne soient pas morts pour rien. Un gouvernement d'abandon s'apprête à livrer les départements d'Algérie à la rébellion. Voulez-vous que Mers-El-Kébir et Alger soient demain des bases soviétiques ? Je sais quels sont votre courage, votre fierté et votre discipline. L'armée ne faillira pas à sa mission et les ordres que je vous donnerai n'auront pas d'autre but.»
Les algérois sont invités par radio à venir au Forum le lendemain 23 avril, afin de rencontrer les nouvelles autorités (SALAN arrive d'Espagne ce même jour). Tôt dans la ville, les drapeaux sortent aux fenêtres, les voitures pavoisent dans un concert d'avertisseurs, même scénario à Oran à partir de 7h du matin, où tous les édifices publics sont investis
Au soir du 22 avril, CHALLE peut s'estimer assez satisfait.
A ALGER, il dispose des forces suivantes :
1er REP, 1er REC, 14éme et 18éme RCP, le GCPA (commandos de l'air), le 27éme DRAGONS et le 5éme ETRANGER, le GCPRS (composé de paras et de harkis).
A ORAN, où il a envoyé GARDY (ancien inspecteur de la Légion) :
2éme et 5éme RCI, 13éme DBLE, ½ Brigade de FUSILIERS-MARINS,1er CUIRASSIERS et 6éme RCA stationné à Mostaganem.
A CONSTANTINE, 9éme RCP, 13éme DRAGONS, 2éme et 6éme RPIMA.
En revanche, il y a des grosses difficultés, à savoir :
A l'Amirauté à ALGER, l'Amiral QUERVILLE refuse de se rallier et s'enfuit par bateau vers Mers-El-Kébir, le Général BIGOT Chef de la 5éme Région Aérienne, s'est tout de suite rallié à CHALLE, mais dans son ensemble, l'armée de l'air ne suit pas, les avions décollent et rejoignent la métropole......
La majeure partie des officiers d'état-major, ne sont pas chauds pour se rallier.
A ORAN, bien que CHALLE ait envoyé le Général GARDY en mission, le Général de POUILLY chef du CA d' ORAN, se réfugie à TLEMCEN, sur les conseils de Louis JOXE et du Général OLIE en visite dans le secteur. Le Colonel BROTHIER de la Légion à Bel-Abbés, refuse de se rallier.
A CONSTANTINE, le Général GOURAUD change d'avis toutes les heures, CHALLE envoie ZELLER pour le convaincre, ce n'est que lorsque les unités ralliées à CHALLE se déploient en ville que GOURAUD se rallie à contre-coeur.
Et les algérois sont au Forum le 23 avril.......sur la photo ci-dessous, on voit arriver les 4 Généraux.
De son côté, le Pouvoir à Paris réagit dés le 22 avril. Pierre MESSMER, le Ministre des armées, ordonne de s'opposer à la révolte par tous les moyens. Louis JOXE, dépêché sur place à ORAN, s'assure du loyalisme de nombreux cadres. A PARIS, Roger FREY ministre de l'intérieur, brise dans l'oeuf l'antenne parisienne de la conjuration, par une série d'arrestations.
Lors d'un conseil extraordinaire qui se tient dans l'après-midi du 22 avril, de GAULLE a cette phrase «ce qui est grave dans cette affaire, c'est qu'elle n'est pas sérieuse !». Il n'apprécie pas la mascarade organisée par André MALRAUX et Michel DEBRE, qui rameutent la population de PARIS.
En Algérie, la masse des appelés du contingent est majoritairement hostile au putsch, qui, s'il réussit risque
prolonger la guerre. Sur Radio Monte -Carlo, que l'on capte en Algérie, de GAULLE annonce qu'il va parler le 23 à 20h.
fin 1ère partie